La déclaration du syndicat au promettant-acheteur ou son notaire quant à l'état des charges communes: responsabilité et conséquences
Revue CopropriétéPLUS, Automne 2015
L'article 1069 C.c.Q. se lit ainsi : Parmi les obligations et les devoirs qui ont été confiés par le législateur aux syndicats de copropriété, se trouve celle prévue par l'article 1069 du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. »), soit celle, pour son conseil d'administration, de déclarer au promettant-acheteur, ou au notaire appelé à instrumenter la vente de la fraction de copropriété, l'état des charges communes dues sur ladite fraction de copropriété.
« Celui qui, par quelque mode que ce soit, y compris par suite de l'exercice d'un droit hypothécaire, acquiert une fraction de copropriété divise est tenu au paiement de toutes les charges communes dues relativement à cette fraction au moment de l'acquisition.
Celui qui se propose d'acquérir une fraction de copropriété peut néanmoins demander au syndicat des copropriétaires un état des charges communes dues relativement à cette fraction et le syndicat est, de ce fait, autorisé à le lui fournir, sauf à en aviser au préalable le propriétaire de la fraction ou ses ayants cause; le proposant acquéreur n'est alors tenu au paiement de ces charges communes que si l'état lui est fourni par le syndicat dans les 15 jours de la demande.
L'état fourni est ajusté selon le dernier budget annuel des copropriétaires. » (les soulignés sont les nôtres)
Mentionnons d'abord qu'il faut en tout temps vérifier et se référer aux dispositions de votre déclaration de copropriété à ce sujet. En effet, les dispositions de votre déclaration de copropriété pourraient être plus exhaustives et ainsi prévoir des obligations plus vastes, plus étendues pour le syndicat, que celle que prévoit l'article 1069 C.c.Q.
Nous noterons que le législateur a utilisé le terme « autorisé ». Néanmoins, compte tenu des conséquences qui peuvent découler, pour le syndicat, d'une déclaration incomplète ou erronée de sa part, voire de son omission de déclarer en temps opportun, nous sommes d'avis qu'il s'agit bel et bien d'une obligation, et que l'utilisation du terme « autorisé » est liée au caractère confidentiel des informations que le syndicat est par cet article autorisé à transmettre à un tiers.
L'article 1069 C.c.Q. ne crée pas en lui-même une obligation pour le notaire qui instrumentera la vente de la fraction, de demander un état des charges au syndicat.
Néanmoins, à notre avis, un notaire prudent et diligent verra à faire ces vérifications auprès du syndicat en temps requis avant la date de la transaction, dans l'intérêt de son client, l'acheteur, tout comme il le fait pour les taxes foncières et scolaires, le solde hypothécaire et autres informations nécessaires à la conclusion de la transaction.
Advenant que l'acheteur subisse un préjudice en raison de l'omission ou de la négligence de son notaire de demander l'information appropriée au syndicat, l'acheteur disposera d'un recours possible en responsabilité contre son notaire.
Quant au vendeur, ancien propriétaire de la fraction, mentionnons que de façon générale, celui-ci est tenu à une obligation générale d'informer son cocontractant (le promettant-acheteur) de tout fait pertinent à la vente dont il a connaissance, et qu'un silence du vendeur à cet égard est susceptible de constituer une réticence dolosive qui pourrait justifier l'octroi de dommages.1
C'est en regard de cette obligation générale d'information que le vendeur doit notamment compléter et remettre au promettant acquéreur le formulaire appelé « Déclaration du vendeur », déclaration à caractère obligatoire qui permettra au promettant-acheteur de connaître, notamment, l'état et la condition matérielle et physique de l'immeuble qu'il projette d'acquérir, et son historique.
Cette obligation générale d'information inclut celle relative à l'état des charges dues pour la fraction. Conséquemment, le vendeur devrait porter à l'attention de son courtier immobilier et du promettant-acheteur l'état des charges communes reliées à son unité et toute somme due au syndicat de copropriété et non encore acquittée, tout comme il devrait déclarer tout montant qui serait exigible à court, moyen et long terme pour lequel l'assemblée générale des copropriétaires a déjà été consultée.2
Donc, si par exemple l'assemblée des copropriétaires a été consultée sur un budget spécial dont les cotisations devraient débuter dans les mois à venir et s'échelonner sur une période de quelques années, le vendeur devrait en informer son courtier et son promettant acquéreur, et ce même si les sommes ne sont pas encore exigibles au moment où il fait sa déclaration.
Il en est également de même, à notre avis, lorsque le vendeur a connaissance ou a été informé qu'une cotisation spéciale sera imposée par le syndicat dans des délais rapprochés, sans toutefois que l'assemblée des copropriétaires n'ait encore été consultée. Considérant la bonne foi qui doit guider la conduite des parties et l'obligation générale d'information du vendeur, c'est donc une information que ce dernier devrait porter à l'attention du promettant acquéreur.
Le syndicat n'a pas, de sa propre initiative, à intervenir dans la relation vendeur-acheteur, ni dans la transaction de vente de la fraction.
Généralement, c'est le courtier immobilier du vendeur ou le notaire du promettant acquéreur qui sollicitera la collaboration du syndicat en ce qui concerne notamment l'information relative aux parties communes et aux parties communes à usage restreint, la confirmation de l'assurance souscrite par le syndicat, l'état des charges communes, le budget, les procès-verbaux d'assemblée, etc.
Lorsqu'une demande de communication de l'état des charges communes de la fraction est adressée au syndicat par le promettant acquéreur ou le notaire qui procédera à la vente, celui-ci se doit d'y donner suite au plus tard dans les quinze (15) jours de la réception de la demande.
Ce délai est important, car l'omission ou la négligence du syndicat de le respecter emporte des conséquences qui, parfois, peuvent s'avérer fort préjudiciables pour les finances du syndicat. Il en est de même en ce qui a trait à la qualité des informations que le Syndicat transmettra.
La question se pose donc de savoir ce qu'il advient si le syndicat néglige de donner suite à la demande transmise par le notaire, ou qu'il transmet une déclaration erronée ou incomplète ou hors délai.
D'une part, le premier paragraphe de l'article 1069 C.c.Q. tient le vendeur et l'acquéreur de la fraction conjointement responsables de la dette due au syndicat pour cette fraction. D'autre part, le principe qui se dégage de son 2éme paragraphe est le suivant : l'acheteur ne sera tenu qu'au paiement du montant qui aura été déclaré par le syndicat.
C'est donc dire que si le syndicat a omis de répondre à la demande du notaire ou du promettant acquéreur, il ne pourra réclamer sa créance qu'auprès du vendeur, l'ancien propriétaire, puisque le syndicat conserve un recours personnel contre ce dernier. Il en serait également ainsi si le Syndicat a répondu à la demande, mais passé le délai de 15 jours prévu.
Supposons maintenant que le syndicat se soit conformé à ses devoirs et qu'il ait donné suite à la demande, mais que le montant déclaré est supérieur à ce qui est réellement dû (et que le notaire a retenu et versé le montant tel que déclaré au syndicat). Conséquemment, l'état des charges de la fraction se trouvera au crédit et le syndicat devra rembourser celui qui a trop payé et qui en subit donc le préjudice.
Supposons cette fois-ci que le syndicat ait fait une déclaration mais que celle-ci soit erronée, c'est-à-dire que le montant déclaré soit inférieur à ce qui lui est réellement dû pour cette fraction. Dans ce cas, le principe prévu au 2ème paragraphe de l'article 1069 C.c.Q. s'applique, et l'acheteur ne sera tenu qu'au paiement du montant déclaré, lequel, habituellement est pris en compte et retenu par le notaire instrumentant au moment des ajustements entre les parties, et ensuite transmis au syndicat par le notaire afin de régler le compte.
Concrètement, il restera alors un solde à payer sur l'état de compte de la fraction. Ce solde demeure dû au syndicat, mais il ne pourra être recouvré que du vendeur si l'acquéreur, nouveau propriétaire, refuse de l'acquitter volontairement.
Dans un tel cas, puisque le vendeur n'est plus le propriétaire de la fraction et que le nouveau propriétaire n'est pas tenu au paiement de la différence de montant, les recours hypothécaires ne seront pas permis. Le droit du syndicat ne suit pas le bien lui-même, mais le copropriétaire en sa qualité personnelle de propriétaire de la fraction de copropriété.
Le syndicat devra donc tenter de récupérer le solde qui lui est dû par le biais d'une action personnelle contre le vendeur, soit par action en recouvrement. Évidemment, cela peut devenir problématique si le vendeur est introuvable ou qu'il est insolvable, puisque le syndicat risque de se retrouver dans une situation où il devra assumer lui-même le manque à gagner. Dépendamment du montant en jeu, cela peut constituer un préjudice économique important pour le syndicat, préjudice qui peut affecter de façon sérieuse ses finances.
Mentionnons que si l'état des charges communes régulières ne pose pas trop de problèmes en pratique, il en est tout autrement de la déclaration quant aux cotisations spéciales, surtout lorsqu'il s'agit de cotisations à venir ou de cotisations s'échelonnant sur de longues périodes.
En effet, on rencontre régulièrement dans notre pratique des syndicats qui en toute bonne foi ont omis de déclarer une cotisation spéciale, croyant, malheureusement erronément, que puisque les paiements dus en vertu de celle-ci n'étaient pas encore exigibles, ils n'avaient pas à la mentionner au notaire. Par ailleurs, certains autres syndicats croient erronément que leur déclaration devait s'arrêter à l'exercice financier en cours au moment de la demande d'état des charges, et qu'ils n'ont pas à déclarer d'informations pour les exercices financiers subséquents.
Or, dès que l'assemblée des copropriétaires a été consultée sur un budget spécial (cotisation spéciale), même si les cotisations ne seront exigibles que des mois après, c'est une information qui doit être déclarée au notaire ou au promettant acquéreur, et ce afin que les parties puissent prendre les ententes requises entre elles et faire les ajustements nécessaires. Il en est aussi ainsi des cotisations spéciales qui s'échelonnent sur plus d'un exercice financier: dès que l'assemblée a été consultée sur ces cotisations, elles doivent être déclarées, et ce peu importe que la consultation ait eu lieu plusieurs mois, voire quelques années, auparavant.
Le syndicat ne doit pas compter uniquement sur les déclarations du vendeur à son acheteur. Le but du syndicat, et une de ses obligations est de percevoir ses créances en temps opportun afin d'être en mesure de rencontrer ses obligations au fur et à mesure de leurs échéances. Le soin et la diligence qu'il apportera aux informations financières qu'il déclarera assureront le recouvrement total des sommes qui lui sont dues et, conséquemment, sa santé financière.
En ce sens, nous sommes d'avis que le syndicat devrait égaIement informer le notaire de toute assemblée générale à être convoquée et à être tenue à court terme, où il sera discuté d'une augmentation des charges communes et/ou de cotisation spéciale. Cette déclaration pourra être faite avec réserves compte tenu que le syndicat ne peut présumer du sort de la consultation et de la décision qui s'ensuivra, mais elle permettra au moins au notaire et à l'acquéreur d'avoir en main les informations utiles et de pouvoir faire les vérifications et le suivi nécessaire.
Habituellement, lorsque le syndicat de copropriété est géré par un gérant externe, c'est ce dernier qui s'occupe de donner suite aux demandes d'état des charges qu'il reçoit. Or, l'erreur ou l'omission du gestionnaire quant aux informations transmises ou dans le délai à répondre liera son mandant, le syndicat, lequel doit répondre du préjudice causé au nouveau copropriétaire par son mandataire, son gestionnaire.3
Il va sans dire que toute déclaration du syndicat ou de son gestionnaire doit être transmise par écrit, et que le syndicat doit en conserver une copie. Ceci évitera bien des tracas advenant qu'il doive faire la preuve de sa déclaration et des montants réclamés.
En terminant, un petit mot sur les frais ou les honoraires que réclament certains syndicats pour la vérification des informations demandées par le notaire et leur transmission. Si l'imposition de tels frais n'est pas en soi interdite, il est important qu'elle soit bel et bien prévue dans un règlement d'immeuble, à défaut de quoi le syndicat risque de ne pas pouvoir la réclamer au vendeur, les tribunaux ayant déjà décidé que la partie qui a intérêt à fournir l'état des charges est le syndicat, et non le vendeur.4
Pour toute question ou toute information additionnelle sur le sujet de cet article, ou sur tout autre sujet qui vous intéresse en copropriété, n'hésitez pas à communiquer avec nous.
1 Pépin c. Gagnon, 2004 CanLlI/48958 (QC CQ);
2 Zapata c. Marguier, 2005 CanLlI/28497 (QC CQ); Pépin c. Gagnon, op. cit., note 1;
3 Article 2164 C.c.Q.; Fontaine c Gestion Immobilière Ges-Mar, 2004 CanLlI/48368 (QC CQ);
4 Pham c Syndicat du Portail du Canal Phase 1 co-propriété, 2015 QCCQ 4644 (CanLII);
Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.
Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée (IMAQ)
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