Cher conseil d'administration, je souhaite installer une borne de recharge électrique pour mon véhicule... Suis-je autorisé?
Revue CopropriétéPLUS, Été 2017
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photo de l'auteur Me Stefania Chianetta

 

borneRecharge

Le souci de notre environnement, les changements climatiques, les émanations de gaz à effet de serre, la gestion du carbone, les émanations toxiques des hydrocarbures, la pollution…tous des sujets on ne peut plus d’actualité. Chacun de nous se sent interpellé et veut faire sa part, citoyens et gouvernements.

Dans ce contexte, l’électrification des transports prend de plus en plus d’importance et les véhicules électriques occupent de plus en plus de place sur le marché de la vente automobile, d’autant plus que le gouvernement a mis en place des incitatifs monétaires forts intéressants.

Naturellement, qui dit véhicule électrique dit recharge pour pouvoir fonctionner et circuler. Or, exception faite de certains immeubles construits très récemment, il est plutôt rare qu’un immeuble soit doté de bornes de recharge. En conséquence, de nombreux syndicats reçoivent des demandes de la part de copropriétaires désireux de procéder à l’installation d’une borne électrique.

Devant une telle demande d’autorisation, que doit faire le conseil d’administration du syndicat? A t-il le pouvoir d’autoriser une telle demande, ou est-ce plutôt à l’assemblée des copropriétaires de se prononcer et d’autoriser, ou pas, une telle installation?

D’abord et avant tout, il est essentiel que le conseil d’administration s’assure que la demande d’autorisation qui lui est transmise par le copropriétaire soit accompagnée de plans et devis précis des travaux que le copropriétaire souhaite faire approuver. Ces plans et devis devront décrire avec suffisamment de détails les travaux qui seront réalisés, les matériaux, composantes et systèmes qui seront installés, leur emplacement précis, les travaux accessoires nécessaires pour leur installation et la mise en fonction de la borne etc.

Ces plans et devis devraient être préparés et signés par un expert du domaine concerné (par exemple un architecte, un ingénieur, un électricien etc.), possédant les qualifications professionnelles requises.

Une fois la demande d’autorisation et les plans et devis reçus, la première question que doit se poser le conseil d’administration est de savoir qui, du conseil d’administration ou de l’assemblée des copropriétaires, est compétent pour autoriser, ou pas, l’installation souhaitée.

À ce sujet, il est essentiel de bien lire les dispositions de la déclaration de copropriété pour vérifier quels sont les pouvoirs et les attributions dévolus au conseil d’administration, et quels ceux sont attribués à l’assemblée des copropriétaires.

Pour les fins du présent article, nous prendrons pour acquis qu’il n’existe aucune disposition dans la déclaration de copropriété permettant au conseil d’administration d’autoriser seul une telle installation. Conséquemment, il appartiendra à l’assemblée des copropriétaires de prendre la décision.

Naturellement, par souci d’équité, d’impartialité et de justice, il faut considérer que si l’autorisation est accordée à un copropriétaire, elle devra l’être à tout autre copropriétaire qui fera la même demande ultérieurement.

En ce sens, dépendamment du nombre de demandes susceptibles d’être reçues ou de l’intérêt des copropriétaires pour le sujet, il est possible que le conseil d’administration décide plutôt d’en faire un projet commun pour l’ensemble de la collectivité des copropriétaires.

Mais prenons pour acquis que le conseil d’administration ait d’autres priorités et qu’il n’ait pas prévu, à court terme, installer de bornes électriques dans les parties communes. Que doit-il faire? Comment doit-il procéder?

Tel que nous l'avons vu ci-dessus, la première étape consiste, pour le copropriétaire, à soumettre une demande d'autorisation écrite au conseil d'administration, accompagnée des plans et devis nécessaires et de tout autre document pertinent.

Généralement, les options qui s’offrent au copropriétaire sont soit d’installer un panneau électrique, avec disjoncteur principal pour l’unité d’habitation et pour le circuit de véhicule électrique, près de son compteur, ou de procéder par l’installation d’un circuit dédié à même le panneau de service commun, accompagné d’un compteur qui permettra de calculer les kilowatts utilisés.

Considérant que dans la plupart des cas le syndicat ne veut pas avoir à gérer la consommation électrique des copropriétaires, ni avoir à les refacturer pour l’utilisation d’une partie des kilowatts, nous nous en tiendrons à la première option, soit l’ajout et l’installation d’un nouveau panneau électrique près de son compteur.

Une fois la demande d'autorisation et les plans et devis reçus, le conseil d'administration devrait prendre le temps de consulter son professionnel du bâtiment afin d'obtenir ses commentaires, opinion et recommandations sur les travaux dont l'autorisation est sollicitée.

Si des modifications aux travaux sont nécessaires, le conseil d'administration en informera le copropriétaire, lequel devra lui soumettre des plans et devis modifiés en conséquence, et ce afin d'obtenir l'autorisation du conseil d'administration.

Il est important de préciser qu'à moins de dispositions contraires dans la déclaration de copropriété, cette autorisation du conseil d'administration ne confère pas de droit de réaliser les travaux souhaités, mais constitue plutôt une étape préalable à la préparation des documents qui seront nécessaires pour l'obtention du consentement de l'assemblée des copropriétaires, seule organe décisionnel compétent pour autoriser de tels travaux dans les parties communes.

Une fois l'approbation du conseil d'administration reçue, le copropriétaire devra préparer un projet de proposition qui sera soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires.  Ce projet de proposition devra être accompagné de l'ensemble des documents nécessaires pour la bonne compréhension de tous les copropriétaires, afin qu'ils sachent ce sur quoi ils devront se prononcer.

Le projet de proposition et les documents annexés doivent être transmis au conseil d'administration pour qu'il puisse les joindre à l'avis de convocation de l'assemblée le temps venu. Naturellement, le conseil d'administration pourrait choisir d'accompagner le projet de proposition d'une recommandation favorable de sa part.

Il s’avère quelquefois nécessaire de modifier certaines dispositions de la déclaration de copropriété afin qu’elles concordent avec l’usage qui sera fait advenant que l’autorisation sollicitée soit acceptée.

En ce sens, il est important que le conseil d’administration vérifie toutes les dispositions de la déclaration de copropriété concernant notamment l’utilisation et l’usage qui peuvent être faits des parties communes, des parties communes à usage restreint, celles concernant l’accès à la salle électrique, les servitudes d’accès et de circulation prévues etc.

Le conseil d'administration ne devrait pas hésiter à faire appel à son conseiller juridique pour se faire assister, faire valider son opinion, voire même faire préparer les projets d'amendements nécessaires, lesquels devraient prévoir et inclure les modalités et les conditions d'installation de telles bornes de recharge électrique, les modalités concernant l'accès à la salle électrique etc.

Le texte de la proposition pour l’installation de la borne de recharge et les documents annexés, de même que le texte de la proposition d’amendement de la déclaration de copropriété (souvent la partie « Règlement d’immeuble »), devront être joints à l’avis de convocation de l’assemblée générale à être tenue.

Nécessairement, l'ordre du jour de l'assemblée générale (annuelle ou extraordinaire) devra prévoir un point concernant le vote sur la proposition d'installation d'une borne de recharge. Puisqu'il s'agit d'une amélioration, voire une transformation des parties communes, la proposition devra recevoir le vote favorable prévu à l'article 1097 du Code civil du Québec, soit un vote à la double majorité (75.01%) des voix de toute la copropriété.

Quant aux amendements des dispositions de la déclaration de copropriété, si besoin est, ils devront également faire l'objet d'un point dans l'ordre du jour. La majorité requise pour leur adoption dépendra de la section où ils sont situés dans la déclaration de copropriété, à savoir la partie « Acte constitutif » ou dans la partie « Règlement d'immeuble ».

Un amendement à une disposition de la partie « Acte constitutif » doit recevoir le vote favorable de la double majorité prévue à l'article 1097 du Code civil du Québec, alors qu'un amendement ou un ajout dans la partie « Règlement d'immeuble » sera voté à la majorité prévue à l'article 1096 C.c.Q., soit la majorité des voix présentes ou représentées à l'assemblée.

Si les propositions sont adoptées, le copropriétaire serait bien avisé d'attendre l'expiration d'un délai de 60 jours avant de commencer à réaliser ses travaux, et ce au cas la décision de l'assemblée ferait l'objet d'une demande d'annulation de la part d'un ou des copropriétaires.

Une fois ce délai de 60 jours écoulé, et à moins qu'une contestation judiciaire de la décision ait été déposée devant la Cour Supérieure, le copropriétaire pourra confier les mandats nécessaires à son (ses) entrepreneur(s) pour que les travaux soient effectués.

Naturellement, ces travaux devront être ceux conformes à ceux approuvés par le conseild'administration et ses professionnels du bâtiment, et le copropriétaire devrait au préalable convenir des arrangements nécessaires avec le conseil d'administration pour les fins de l'accès à la salle électrique, la présence d'un représentant du conseil d'administration au moment des travaux etc.

À notre avis, c'est le copropriétaire qui devrait assumer seul, à l'exclusion du syndicat, tous les frais et coûts de toute nature qui devront être encourus par le syndicat, entre autres pour:

• pour la préparation, la convocation et la tenue de l'assemblée générale (ou tout ajournement nécessaire de celle-ci);
 • les honoraires et déboursés du (des) professionnel(s) du bâtiment du syndicat pour l'étude et l'analyse du dossier et la transmission des opinions, conclusions et recommandations;
 • la préparation et la rédaction par le conseiller juridique du syndicat, des amendements requis à la déclaration de copropriété;
 • la révision et la vérification, par le conseiller juridique du syndicat, de la documentation soumise au conseil d'administration et/ou à l'assemblée générale aux fins des approbations requises;
 • les honoraires et les déboursés du conseiller juridique du syndicat pour tout autre service professionnel qui serait utile ou nécessaire pour donner plein et enter effet à la demande d'autorisation déposée par le copropriétaire, incluant la préparation et la rédaction de toute entente entre les parties;
 • la préparation d'un nouveau certificat de localisation, lorsque requis;
 • la reproduction et/ou la publication de l'acte d'amendement à la déclaration de copropriété, le cas échéant;
 • tous frais éventuels découlant d'une demande d'accès à la salle électrique, s'il en est;
 • tous autres frais découlant directement de la demande d'autorisation déposée par le copropriétaire.

Il est important que le copropriétaire comprenne que le conseil d'administration peut, à sa discrétion, émettre un avis favorable à l'assemblée générale si toutes les conditions et recommandations sont remplies, mais qu'il ne peut en aucun temps garantir le résultat du vote de l'assemblée générale sur la proposition soumise, pas plus que s'en porter garant ou responsable.

Advenant que le copropriétaire ne réussisse pas à obtenir le vote favorable de l'assemblée des copropriétaires sur sa demande, selon la majorité requise, il pourra en tout temps représenter sa demande lors d'une prochaine assemblée générale des copropriétaires, en soumettant de nouveau au conseil d'administration la proposition à présenter et l'ensemble des documents à annexer à l'avis de convocation.

Sur ce, nous vous souhaitons un bel été, et surtout profitons du beau temps pour utiliser nos vélos pour nos déplacements!


Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.

Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée (IMAQ)
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Téléphone : 514-281-5100
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