ADOPTION DU PROJET DE LOI 141 ET DÉPÔT DU PROJET DE LOI 401 : CHANGEMENTS IMPORTANTS ET NOUVELLES OBLIGATIONS POUR LES COPROPRIÉTÉS QUÉBÉCOISES
Revue CopropriétéPLUS, Été 2018
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photo de l'auteur Me Stefania Chianetta

 

Dans l’édition de l’hiver dernier de la Revue, je vous entretenais sur le Projet de loi 150, présenté à l’Assemblée Nationale le 31 octobre 2017.

Ce projet de loi prévoyait la modification de plus de 80 lois et de dizaines de règlements québécois, dont certaines dispositions du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. ») concernant la copropriété divise d’un immeuble.

C’EST MAINTENANT CHOSE FAITE! Le Projet de loi 141 (anciennement projet de loi 150) a été ADOPTÉ LE 13 JUIN 2018, et ses dispositions1 entreront en vigueur le 13 juillet prochain.

La Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières (ci-après « la Loi ») entrainera des CHANGEMENTS MAJEURS EN COPROPRIÉTÉ, PARTICULIÈREMENT EN MATIÈRE D’ASSURANCE DE COPROPRIÉTÉ.

Faisons un petit rappel historique. Les notes explicatives du projet de loi 150 prévoyaient ce qui suit :

« […]. Quatorzièmement, dans les matières concernant le secteur financier, le projet de loi propose :

10. de modifier le Code civil afin, en matière de copropriétés divises d’un immeuble, notamment, de prévoir que les copropriétaires soient tenus de souscrire une assurance responsabilité dont le montant minimal sera déterminé par règlement du gouvernement et que le syndicat soit tenu de constituer un fonds d’auto-assurance affecté au paiement des franchises prévues par les assurances qu’il souscrit, de préciser les règles applicables à la cotisation au fonds d’auto-assurance et à l’assurance de l’immeuble et d’habiliter le gouvernement à déterminer par règlement des modalités applicables à ces cotisations et à de telles assurances : aussi, il modifie ce code afin […] de permettre la conclusion de contrats d’assurance collective de dommages;

[…]. » (les soulignés et caractères gras sont les nôtres)

 

FONDS D’AUTO-ASSURANCE

Le changement majeur et principal qui sera apporté par cette loi, s’il en est un, est l’obligation des syndicats de copropriété de constituer un 3ème fonds2 , à savoir un fonds destiné à couvrir les franchises d’assurance.

Ce fonds sera distinct du fonds de prévoyance et du fonds d’opérations ou d’exploitation. Rappelons que la franchise d’assurance est la portion des dommages que le syndicat doit assumer à même ses propres fonds avant que l’assureur ne commence à l’indemniser pour les préjudices causés par un sinistre.

Les modalités de ce fonds d’auto-assurance, tout comme la contribution minimale qui sera requise des copropriétaires, seront précisés par voie de règlement à être adopté par le gouvernement au cours des 2 prochaines années.

 

FRANCHISES RAISONNABLES

La Loi vient également régler un problème et un dilemme récurrent auquel font face les syndicats de copropriété lorsqu’il s’agit de contracter ou de renouveler leur assurance.

Combien de syndicats, au cours des dernières années, pris entre l’arbre et l’écorce, ont dû choisir (si on peut appeler ça un choix) d’augmenter le montant de leurs franchises d’assurance afin de pouvoir conserver une prime raisonnable et ne pas trop augmenter les charges communes des copropriétaires? Évidemment, la contrepartie de ce choix est que les franchises d’assurance sont de plus en plus élevées3 , et que les syndicats peinent à arriver lorsqu’ils sont confrontés à un sinistre important, quand ce n’est pas plus d’un sinistre dans la même année.

La Loi a donc prévu que les franchises devront être «raisonnables ». Mais qu’est-ce qu’une « franchise raisonnable »? La loi ne fournit aucune réponse et les critères quant à la « raisonnabilité » des franchises seront précisés par voie de règlement à être adopté par le gouvernement.

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ASSURANCE RESPONSABILITÉ CIVILE

Autre changement important, la Loi prévoit l’obligation du syndicat de payer une assurance responsabilité civile à ses administrateurs4, mais également à son gérant et aux personnes impliquées et chargées de voir au bon déroulement des assemblées de copropriétaires, entre autres le (la) président(e) et le (la) secrétaire d’assemblée.

Quant aux copropriétaires, leur obligation de souscrire à une assurance responsabilité civile (pour leur protection, advenant une poursuite suite à un évènement dans lequel leur responsabilité serait mise en jeu) sera maintenant expressément prévue par la Loi. Le montant obligatoire minimal de cette assurance responsabilité sera aussi déterminé par règlement du gouvernement.

 

LES AMÉLIORATIONS AUX PARTIES PRIVATIVES

L’autre sujet et changement majeur sur lequel le législateur s’est penché est la question des améliorations apportées par les copropriétaires à leurs parties privatives. La Loi obligera les syndicats à mettre sur pied et à maintenir un registre dans lequel devront être décrites en détail les parties privatives, le but et la finalité de ces descriptifs étant de rendre identifiables les améliorations apportées par les copropriétaires à leurs unités.

Précisons d’emblée qu’en l’absence d’un tel registre et des descriptions suffisantes des unités, la Loi présumera qu’aucune amélioration n’a été apportée aux parties privatives, avec les conséquences qui pourraient en découler au moment de l’indemnisation par les assureurs, puisqu’à tout évènement, certaines améliorations qui auraient été apportées par les copropriétaires à leurs unités pourraient ne pas être couvertes.

Ce registre fera partie du Registre de la copropriété prévu à l’article 1070 C.c.Q.

Par ailleurs, dans les copropriétés divises établies avant le 31 octobre 2017, les parties privatives seront réputées, dans l’état où elles se trouvent à cette date, ne comporter aucune amélioration apportée par un copropriétaire, à moins que le syndicat n’ait déjà mis à la disposition des copropriétaires une description des parties privatives conforme à cet article.

Il est donc important de mettre rapidement sur pied ce registre, et à ne pas hésiter à consulter votre conseiller juridique au besoin.

Toujours au sujet des améliorations aux parties privatives, la Loi prévoit l’obligation, pour le promoteur, de remettre au syndicat, dans les 30 jours suivant l’assemblée extraordinaire des copropriétaires, la description des parties privatives prévue à l’article 1070.

Ce qui précède sont les changements majeurs principaux qu’apportera la Loi le 13 juillet prochain. Il y en a d’autres.

A ne pas en douter, ces changements auront une répercussion financière importante pour les copropriétés québécoises, lesquelles verront probablement leurs primes d’assurance augmenter vu le caractère « raisonnable » qui s’imposera à l’égard du montant de la franchise d’assurance.

D’autre part, lorsque certaines copropriétés peinent à constituer un fonds de prévoyance suffisant, on peut certes s’interroger sur la capacité financière de leurs copropriétaires de pouvoir constituer un 3ème fonds, et sur les impacts d’une telle nouvelle obligation sur les copropriétés québécoises et l’intérêt qu’elles suscitent auprès des acheteurs.

MAIS, ASSURÉMENT, LE VENT EST AU CHANGEMENT EN COPROPRIÉTÉ, PUISQUE DANS LA MÊME SEMAINE, SOIT LA VEILLE DE L’ADOPTION DU PROJET DE LOI 14, SOIT LE 12 JUIN DERNIER, E GOUVERNEMENT LIBÉRAL, PAR LA MINISTRE LISE THÉRIAULT, A DÉPOSÉ UN PROJET DE LOI QUI VISE À RÉGLER CERTAINES PROBLÉMATIQUES VÉCUES RÉGULIÈREMENT EN COPROPRIÉTÉ, OU À CLARIFIER CERTAINS QUESTIONNEMENTS ET CERTAINES AMBIGUÏTÉS CRÉÉES PAR LA RÉDACTION DES DISPOSITIONS ACTUELLEMENT EN VIGUEUR OU PAR UNE CERTAINE JURISPRUDENCE.

Certes, le dépôt d’un projet de loi de telle envergure, à 3 jours de la fin de la session parlementaire, d’autant plus que nous savons tous qu’il y aura des élections provinciales le 1er octobre prochain, me porte à me questionner sur les intentions et la volonté réelles du gouvernement en place de réformer, du moins en partie, le droit de la copropriété au Québec.

MAIS QU’À CELA NE TIENNE, CAR À MON AVIS CE N’EST QU’UNE QUESTION DE TEMPS. QUE LE PROCHAIN GOUVERNEMENT ÉLU LE 1ER OCTOBRE PROCHAIN SOIT CAQUISTE, LIBÉRAL OU PÉQUISTE, IL DEVRA S’ATTAQUER À LA RÉFORME DU DROIT DE LA COPROPRIÉTÉ, D’AUTANT PLUS QUE DES PORTE-PAROLE DES 2 AUTRES PARTIS SE SONT DÉJÀ ENGAGÉS À CE SUJET PRÉCÉDEMMENT.

Donc, d’ici là, prenons le temps de regarder ensemble, de plus près, ce que le projet de loi 401 a prévu, afin d’en comprendre les conséquences et de s’y préparer. Bien évidemment, le projet de loi 401 étant au stade de projet, la version qui sera éventuellement adoptée par le prochain gouvernement pourrait varier. Conséquemment, pendant votre lecture du texte qui suit, il faudra garder à l’esprit que ce qui est exprimé l’est au conditionnel.

Les notes explicatives du Projet de loi 401 intitulé « Loi visant principalement à améliorer la qualité des bâtiments, l’encadrement de la copropriété divise et le fonctionnement de la Régie du logement » (ci-après « le PL »), prévoient que le PL 401 :

« […] modifie le Code civil en matière de copropriété divise. Il prévoit notamment que tout immeuble détenu en copropriété divise doit faire l’objet d’un carnet d’entretien révisé périodiquement, que la contribution annuelle des copropriétaires au fonds de prévoyance est fixée conformément à une étude établissant les sommes nécessaires pour que ce fonds soit suffisant pour payer les réparations majeures et le remplacement des parties communes, que le constructeur ou le promoteur doit protéger les acomptes versés par les acheteurs d’une fraction de copropriété et que le promoteur qui a sous-estimé un budget prévisionnel doit payer certaines sommes au syndicat. » (les caractères gras sont les nôtres)

Le PL modifie les droits et obligations du syndicat de copropriété.

Il lui donnerait le droit d’obtenir, directement de l’architecte ou de l’ingénieur qui les détient, les plans de l’immeuble bâti.

Il l’obligerait à tenir à jour une attestation sur l’état de ses finances et sur l’état de l’immeuble, et à fournir au promettant-acheteur d’une fraction de copropriété des renseignements concernant l’immeuble et le syndicat.

Le PL modifie le fonctionnement des copropriétés. Il viendrait préciser qu’une déclaration de copropriété ne pourrait être modifiée que conformément aux dispositions du C.c.Q et que le Règlement de l’immeuble ne pourrait être modifié que par l’assemblée des copropriétaires. Il modifierait également certaines règles applicables lors d’assemblées de copropriétaires.

Finalement, concernant le conseil d’administration du syndicat, le PL prévoit qu’il doit consulter l’assemblée des copropriétaires avant de décider d’une cotisation spéciale et qu’il lui appartiendrait de déterminer l’utilisation du fonds de prévoyance. Il obligerait par ailleurs dorénavant le conseil d’administration à notifier aux copropriétaires le procès-verbal de leur réunion, et ce dans les 30 jours de la réunion.

Pour ce qui est des assemblées générales, le délai de contestation d’une décision de l’assemblée des copropriétaires passerait de 60 jours à 90 jours, et obligation serait faite au syndicat de notifier aux copropriétaires le procès-verbal de l’assemblée dans les 30 jours de celle-ci.

REGARDONS DE PLUS PRÈS CES CHANGEMENTS IMPORTANTS PROPOSÉS. J’INDIQUERAI, AU DÉBUT DE CHAQUE MODIFICATION PROPOSÉE, LE NUMÉRO D’ARTICLE DU CODE CIVIL DU QUÉBEC QUI EST CONCERNÉ.

Article 1052 : Le PL viendrait mettre un terme à une controverse qui existe depuis la décision rendue par la Cour d’appel en 2011 dans l’affaire Lavallée c. Simard. Il empêcherait explicitement la modification tacite de la déclaration de copropriété, en prévoyant que la déclaration de copropriété ne peut se modifier que par des résolutions adoptées en assemblée de copropriétaire.

Je suis parmi ceux et celles qui ont toujours pensé que c’était le cas, vu le libellé et le contenu de certaines dispositions déjà au Code civil. Toutefois, vu que la Cour d’appel avait rendu possible qu’il puisse y avoir un amendement implicite ou une modification tacite de la déclaration de copropriété, combien de fois ai-je dû aviser et préciser aux clients qu’une telle possibilité existait et qu’ils risquaient de se faire opposer une modification tacite d’une disposition de la déclaration de copropriété advenant qu’Ils n’agissent pas face à une contravention à celle-ci.

Cette question serait donc définitivement réglée.

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Article 1053 : le PL suivrait la décision rendue en 2017 par la Cour d’appel dans l’affaire Syndicat des copropriétaires Les Condominiums du Palais c. Bernatchez, en prévoyant que la méthode suivie par le promoteur pour établir la valeur relative des fractions doit être décrite dans la déclaration de copropriété.

Conséquemment, les rédacteurs des déclarations de copropriété ne pourraient plus s’en remettre uniquement à la formule qui existe présentement à l’effet qu’ils ont respecté les critères prévus aux dispositions du Code civil du Québec.

Article 1053 : le PL viendrait mettre fin à une controverse existant concernant l’ajout de clauses pénales à la déclaration de copropriété. Certains praticiens du droit, m’incluant, ont toujours été d’avis que les clauses pénales devaient se trouver à la section « Acte constitutif » de la déclaration de copropriété, avec les conséquences quant à la majorité à obtenir au moment du vote pour leur adoption. D’autres parmi nous étaient plutôt d’avis que ça relevait de la partie Règlement d’immeuble, requérant ainsi une majorité réduite.

Cette question avait été tranchée en 2015 par l’Hon. Juge Danièle Turcotte, j.c.s., dans la décision Magne c. Le Martingal, décision dans laquelle la juge en était venue à la conclusion que les clauses pénales relevaient du Règlement de l’immeuble. Il semble que le législateur soit d’avis contraire et qu’il viendrait mettre fin à ce questionnement et à ces hésitations. Les clauses pénales devront donc être insérées à la partie Acte constitutif de la déclaration de copropriété.

Article 1054 : le PL empêcherait la modification tacite du Règlement de l’immeuble, en prévoyant que ce pouvoir relève seulement de l’assemblée des copropriétaires. Je vous réfère aux commentaires ci-dessus quant à l’article 1052.

Article 1065 : Le PL prévoit que le copropriétaire qui loue son unité ou la prête en vertu d’un prêt à usage, doit le notifier au syndicat dans les 15 jours, et mentionner, le nom du locataire ou de l’emprunteur, selon le cas, ainsi que la durée du bail ou du prêt.

Article 1070 : Quant au registre de la copropriété, le PL vient préciser que le registre ne contient que le nom et l’adresse postale de chaque copropriétaire, chaque locataire et chaque emprunteur, et que le registre ne peut contenir d’autres renseignements personnels sur ceux-ci.

Il viendrait préciser les documents que le syndicat devrait tenir à la disposition des copropriétaires, en y incluant l’étude du fonds de prévoyance de l’article 1072 C.c.Q. et le carnet d’entretien de l’article 1072.1.

Quant à sa consultation, le PL vient préciser les modalités de consultation et confirmer le droit des copropriétaires d’obtenir copie du contenu du registre et de ces documents moyennant des frais raisonnables.

L’obligation du syndicat ne se limiterait donc plus seulement à en permettre la consultation, et serait confirmé son droit de réclamer des frais raisonnables au copropriétaire qui souhaite obtenir copie du registre.

Article 1071 : concernant le fonds de prévoyance, le PL permettrait aux syndicats d’obtenir des rendements, en prévoyant que ce fonds doit être en partie liquide, disponible à court terme et dont le capital doit être garanti.

Le PL confirmerait également la compétence décisionnelle du conseil d’administration quant à l’utilisation du fonds de prévoyance.

Il viendrait aussi modifier les critères pour fixer les contributions des copropriétaires. Celle-ci serait fixée conformément à une étude du fonds de prévoyance qui établirait les sommes nécessaires pour que ce fonds soit suffisant pour couvrir le coût estimatif des réparations majeures et le coût de remplacement des parties communes. Cette étude du fonds de prévoyance devrait être révisée aux 5 ans, et elle devrait être faite par un membre d’un ordre professionnel.

Article 1072 : La modification proposée par le PL viendrait confirmer que les budgets spéciaux et les cotisations spéciales doivent faire l’objet d’une consultation de l’assemblée, tout comme pour le budget annuel. Conséquemment, aucun vote n’est nécessaire.

Article 1072.1 : ce nouvel article obligerait tout immeuble détenu en copropriété divise à faire l’objet d’un carnet d’entretien révisé chaque 5 ans.

Article 1072.2 : ce nouvel article obligerait le syndicat à tenir à jour une attestation sur l’état de ses finances et sur l’état de l’immeuble. Obligation serait faite au syndicat d’en remettre copie à tout copropriétaire qui en fait la demande, et ce dans les 15 jours de la demande et moyennant des frais raisonnables.

Article 1076.1 : ce nouvel article prévoit que le syndicat ne pourrait consentir une hypothèque mobilière qu’après consultation de l’assemblée des copropriétaires.

Article 1083.1 : ce nouvel article prévoit le droit pour le syndicat, d’obtenir les plans et devis de l’immeuble par l’architecte ou l’ingénieur qui les détient.

Cet article mettrait donc fin à l’argument qui est souvent servi aux syndicats, à l’effet que les plans ne peuvent leur être remis sans le consentement de leur client, le promoteur.

Article 1085.1 : en ce qui concerne le gérant, le PL prévoit que toute personne qui exercera le métier de gérant de copropriété devra être membre d’un ordre professionnel (qui sera déterminé par règlement) ou avoir complété avec succès une formation reconnue par ce règlement.

Article 1086.1 : le PL innoverait en imposant au syndicat l’obligation de notifier aux copropriétaires le procès-verbal de toute réunion du conseil d’administration dans les 30 jours de la réunion.

Article 1086.2 : le PL vient introduire la possibilité de contester les décisions du conseil d’administration, si elles sont partiales, ou si elles ont été prises dans l’intention de nuire aux copropriétaires ou au mépris de leurs droits.

Une telle demande d’annulation ou de modification d’une décision du conseil d’administration devrait être intentée dans les 90 jours suivant la décision du conseil d’administration.

À mon humble avis, s’il est une disposition qui devra être bien encadrée et délimitée, c’est bien celle qui est prévue à l’article 1086.2 ci-dessus. Il ne faudrait pas que par la possibilité de pouvoir contester les décisions qui seront prises par un conseil d’administration qui, je le rappelle a dûment été élu par une majorité des copropriétaires, on vienne faire obstacle ou ralentir le processus décisionnel, menant ainsi à des impasses, ou encore à rendre le processus décisionnel du conseil d’administration et l’exécution de ses décisions et de ses obligations à ce point compliqué au point de décourager les copropriétaires qui ont le courage de se présenter comme administrateurs.

À mon humble avis, le législateur devra faire preuve de cohérence entre la très grande responsabilité qui incombe sur les épaules du conseil d’administration et que celui-ci assume en vertu de l’article 1039 C.c.Q., et les pouvoirs et la liberté dont il doit pouvoir jouir pour ce faire. À suivre…

Article 1089 : Concernant l’ajournement de l’assemblée des copropriétaires, le PL vient préciser que les décisions visées à l’article 1097 C.c.Q. ne pourront être prises à cette nouvelle assemblée (lire « ajournement ») que si les membres représentent au moins la majorité des voix de tous les copropriétaires.

Article 1090 : Pour ce qui est des indivisaires d’une fraction et l’exercice de leurs droits au moment de l’assemblée, le législateur semble avoir voulu faciliter la tâche quelquefois ardue qu’est devenue l’obtention du quorum pour certaines copropriétés.

Cet article prévoit que l’indivisaire d’une fraction absent d’une assemblée est présumé avoir donné le mandat de le représenter aux autres indivisaires de sa fraction, sauf s’il a mandaté un tiers par écrit à cette fin ou s’il a indiqué son refus d’être représenté.

Article 1097 : Changement d’importance. Cet article est modifié afin de faciliter la prise de décisions concernant, entre autres, la modification de l’acte constitutif et les travaux de transformation, d’agrandissement ou d’amélioration des parties communes.

Cet article prévoit que les décisions qui devront être prises en fonction de ses dispositions devront être prises par un vote représentant au moins les trois quart des voix des copropriétaires présents ou représentés à une assemblée.

Cet article serait aussi modifié afin d’ajouter que la constitution d’une hypothèque mobilière pour le financement des travaux de transformation, d’agrandissement ou d’amélioration des parties communes est une décision qui requiert un vote selon la majorité de l’article 1097 C.c.Q.

Article 1102 : L’article 1102 C.c.Q., s’il était adopté tel quel, constituerait un changement majeur, puisqu’il permettrait au syndicat de contraindre un ou des copropriétaires à accepter des modifications à la déclaration de copropriété qui concernent l’usage qu’ils peuvent faire de leur partie privative.

Le cas échéant, ça serait une modification d’importance, car présentement aucune décision ne peut être prise par le syndicat si elle modifie l’usage qu’un copropriétaire peut faire de sa partie privative.

Est-ce que ce changement de cap serait une conséquence des problématiques que vivent certaines copropriétés aux prises avec des locations court-terme, ou avec celles qu’elles craignent de par la légalisation de la consommation de cannabis à venir? À suivre…

Article 1102.1 : en matière d’assemblées générales, ce nouvel article prévoit que le syndicat doit notifier aux copropriétaires le procès-verbal de toute réunion de l’assemblée des copropriétaires dans les 30 jours de l’assemblée.

Article 1103 : Le délai de contestation des décisions de l’assemblée serait étendu de 60 à 90 jours.

Article 1106 : le PL innove en prévoyant que dans les 30 jours de l’assemblée extraordinaire (lire « assemblée de transition »), le promoteur devra fournir au syndicat le carnet d’entretien de l’immeuble et l’étude du fonds de prévoyance, les plans et devis indiquant les modifications substantielles apportées pendant la construction par rapport aux plans et devis d’origine.

Article 1790 : le PL prévoit l’obligation pour le syndicat, de remettre au promettant acheteur, qui ne pourrait y renoncer, l’attestation sur l’état des finances du syndicat et sur l’état de l’immeuble prévue à l’article 1072.2.

Article 1790.2 : le PL prévoit l’obligation pour le syndicat, sur demande et avec diligence, de fournir au promettant acheteur d’une fraction de copropriété, les renseignements concernant l’immeuble et le syndicat qui sont de nature à permettre au promettant acheteur de donner un consentement libre et éclairé.

Les 2 articles qui précèdent viendraient modifier l’absence de lien existant présentement entre le syndicat et le promettant acheteur, puisqu’ils obligeraient le syndicat à lui remettre directement et avec diligence certains documents et renseignements en vue de l’achat projeté d’une fraction de copropriété de l’immeuble.

Article 1791 : l’ajout qu’apporterait le PL à cet article est important. S’il est susceptible de faire plaisir aux nouveaux syndicats et aux copropriétaires, je doute qu’il en soit de même des promoteurs, puisqu’il prévoit que lorsque les sommes prévues au budget de l’administration provisoire sont inférieures de plus de 10% aux sommes qui ont dû être engagées par le syndicat pour le premier exercice financier complet suivant la perte de contrôle du promoteur, ce dernier devra rembourser au syndicat le double de la différence entre les sommes prévues et les sommes effectivement engagées.

Ce qui précède est un résumé des changements majeurs proposés par le Projet de loi 401. Il y en a d’autres, comme il y en a qui ont été oubliés ou omis. En effet, certains des sujets ou des controverses que j’aurais souhaité voir adressés par le législateur n’ont pas été abordés.

Je fais notamment référence à toute la question des dispositions d’ordre public, aux questionnements constants des praticiens du droit quant à savoir si une disposition est d’ordre public de protection ou de direction, si elle est de nullité relative ou de nullité absolue, si on peut y déroger ou non. Je pense que ça aurait mérité que le législateur s’y attarde vu les conséquences sur les droits et obligations des copropriétaires.

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Je fais également référence aux petites copropriétés, généralement les 3 à 6 unités, dans lesquelles tous les copropriétaires sont administrateurs et dans lesquelles ceux-ci constituent aussi l’assemblée des copropriétaires ; copropriétés dans lesquelles les décisions du conseil d’administration sont amalgamées à celles de l’assemblée des copropriétaires, copropriétés qui se trouvent à devoir respecter des dispositions législatives souvent mal adaptées à leur taille.

Je pense aux mandats irrévocables avec le contenu quelquefois extrêmement étendu que se consentent certains promoteurs dans les déclarations de copropriété. Des décisions se prennent sans même que les copropriétaires en soient avisés, même a posteriori. Bien souvent ils l’apprennent par l’avocat ou le notaire. Certes, il y a quelquefois possibilité de les contester et leur légalité même est remise en question par les praticiens. Mais il n’en reste pas moins qu’une contestation coûte très cher, et que bien souvent le copropriétaire ne se sent pas de taille à affronter la grande société bien connue qu’est le promoteur, sans compter les délais qu’une telle contestation impliquera.

Et ceci m’amène nécessairement à trouver regrettable que le législateur n’ait pas prévu d’article ou d’obligation spécifique concernant les modes de règlement alternatifs de différends en copropriété que sont la médiation et l’arbitrage.

BIEN QUE DES CLAUSES A CET EFFET SOIENT DEPUIS QUELQUES ANNEES GENERALEMENT INSEREES DANS LES DECLARATIONS DE COPROPRIETE, IL N’EN RESTE PAS MOINS QUE CES MODES DE REGLEMENT DES DIFFERENDS SONT A MON AVIS TRES LARGEMENT INUTILISES, ALORS QUE LA COPROPRIETE M’APPARAIT POURTANT ETRE UN DOMAINE DANS LEQUEL CES MODES DE RESOLUTION DEVRAIENT ETRE PRIORISES ET TROUVER LEUR ENTIERE APPLICATION.

Les syndicats de copropriété et les copropriétaires paient souvent des honoraires professionnels très élevés et ils attendent plusieurs mois, voire des années, avant de pouvoir se rendre devant un juge pour finalement tenter d’obtenir une décision au différend qui les oppose, alors que par expérience, ces dossiers pourraient se régler en médiation ou qu’une décision pourrait être rendue par un arbitre spécialisé en copropriété généralement à l’intérieur de quelques mois, et à beaucoup moindres frais5.

Pour ma part, je ne cesserai d’en parler et de travailler avec acharnement pour que ces modes de règlement alternatifs deviennent la norme en copropriété, et non l’exception.

En conclusion, bien des questions demeurent sans réponse et l’adoption du Projet de loi 401, avec ou sans amendements, sera un sujet à suivre à l’automne et l’hiver prochain, lorsque notre prochain gouvernement aura été élu.

D’ici là, si vous avez des questions sur les changements qui entreront en vigueur avec le Projet de loi 141, ou avec les changements proposés par le Projet de 401, ou encore au sujet d’un différend que vous vivez dans votre copropriété, je vous invite sincèrement à ne pas hésiter à communiquer avec moi. Il me fera grand plaisir d’échanger avec vous.

Sur ce, je vous souhaite à tous, chers lecteurs, chères lectrices, de passer un magnifique été !


1 Certaines dispositions n’entreront en vigueur que postérieurement, à des dates et échéances variées.
2 En sus du fonds d’opérations et du fonds de prévoyance.
3 Certaines copropriétés de Montréal ayant des franchises allant jusqu’à 250 000.00$, particulièrement en protection dégât des eaux.
4 C’est déjà le cas pour plusieurs copropriétés de par leur déclaration de copropriété.
5 Pour plus d’informations et de détails sur la médiation et l’arbitrage en copropriété, je vous réfère à mes textes parus dans les éditions Automne 2017 et Automne 2014 de la Revue CopropriétéPlus.


Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.

Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée (IMAQ)
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