L’assurance en copropriété divise au lendemain de l’adoption du projet de loi 141 : où en sommes-nous?
Revue CopropriétéPLUS, Printemps 2019
Dans l’édition « hiver 2018 » de la chronique Point de Mire, je vous entretenais sur le Projet de loi 150 qui fut présenté à l’Assemblée Nationale le 31 octobre 2017. Ce projet de loi prévoyait la modification de plus de 80 lois et de dizaines de règlements québécois, dont certaines dispositions du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. ») concernant la copropriété divise d’un immeuble.
Dans l’édition « été 2018 » de cette même chronique, je vous confirmais que le projet de loi 1411 avait été adopté le 13 juin 2018 et que certaines de ses dispositions concernant la copropriété divise entreraient en vigueur dans les semaines, les mois à venir.
C’est maintenant chose faite : certaines dispositions de la Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières (ci-après « la Loi ») sont entrées en vigueur le 13 décembre 2018 et elles ont entrainé et continueront d’entrainer des changements majeurs en copropriété, au fur et à mesure de l’entrée en vigueur de ses dispositions2.
Pour le moment, ces changements se font surtout sentir en matière d’assurances de copropriété, et plusieurs voix se font déjà entendre en raison de l’ambiguïté et du flou créés par le libellé plus ou moins clair de certaines de ces nouvelles dispositions et, conséquemment, par l’interprétation et l’application qui en est faite par certains intervenants du milieu de l’assurance (compagnies d’assurances, courtiers, experts en sinistres etc.).
Les notes explicatives du projet de loi 150 prévoyaient ce qui suit :
« […]. Quatorzièmement, dans les matières concernant le secteur financier, le projet de loi propose :
10. de modifier le Code civil afin, en matière de copropriétés divises d’un immeuble, notamment, de prévoir que les copropriétaires soient tenus de souscrire une assurance responsabilité dont le montant minimal sera déterminé par règlement du gouvernement et que le syndicat soit tenu de constituer un fonds d’auto-assurance affecté au paiement des franchises prévues par les assurances qu’il souscrit, de préciser les règles applicables à la cotisation au fonds d’auto-assurance et à l’assurance de l’immeuble et d’habiliter le gouvernement à déterminer par règlement des modalités applicables à ces cotisations et à de telles assurances : aussi, il modifie ce code afin […] de permettre la conclusion de contrats d’assurance collective de dommages; […]. »
(les soulignés et caractères gras sont les nôtres)
Qu’en est-il? Qu’est-ce qui est en vigueur, qu’est-ce qui ne l’est pas encore? Quels sont les effets concrets? Quelle est la suite?
CONSTITUTION D’UN FONDS D’AUTO-ASSURANCE : ARTICLE 1071.1 C.C.Q.
(PAS EN VIGUEUR)
Un des changements majeurs qui sera apporté par cette loi est l’obligation des syndicats de copropriété de constituer un fonds d’auto-assurance, fonds destiné à couvrir les franchises d’assurance.
Ce fonds sera établi en fonction des franchises d’assurance et des montants supplémentaires que le syndicat pourrait devoir encourir pour la réparation du préjudice causé à des biens dans lesquels il a un intérêt assurable, lorsque ces montants sont inférieurs à celui de la franchise d’assurance.
Ce fonds sera distinct du fonds de prévoyance et du fonds d’opérations ou d’exploitation. Il devra être liquide et disponible à court terme. La contribution des copropriétaires à ce fonds se fera de la même façon que celle au fonds de prévoyance. Les contributions des copropriétaires à ce fonds seront donc des charges communes assujetties aux dispositions d’ordre public de l’article 1064 C.c.Q.
Les modalités de constitution et de renflouement de ce fonds d’auto-assurance, tout comme la contribution minimale qui sera requise des copropriétaires, seront précisés par voie de règlements à être rédigés et publiés par le législateur d’ici le 13 juin 2020.
Cet article imposera donc aux syndicats de copropriété de constituer un fonds d’auto-assurance d’ici au plus tard le 13 juin 2022.
FRANCHISES RAISONNABLES : ARTICLE 1073.1 C.C.Q.
(PAS EN VIGUEUR)
La Loi viendra également régler un problème et un dilemme récurrent auquel font face les syndicats de copropriété lorsqu’il s’agit de contracter ou de renouveler leur assurance.
En effet, de nombreux syndicats, au cours des dernières années, ont dû « choisir » (si on peut appeler ça un choix) d’augmenter le montant de leurs franchises d’assurance afin de pouvoir conserver une prime raisonnable et ne pas trop augmenter les charges communes des copropriétaires? Naturellement, la contrepartie de ce choix est que les franchises d’assurance sont de plus en plus élevées3 , et que les syndicats peinent à arriver lorsqu’ils sont confrontés à un sinistre important, quand ce n’est pas une pluralité de sinistres dans une même année.
La Loi a donc prévu qu’en matière d’assurance de biens4, les franchises devront être « raisonnables ». On vise donc un équilibre entre la franchise d’assurance et la prime qui est exigée par l’assureur.
Mais qu’est-ce qu’une « franchise raisonnable »? Vous conviendrez certainement avec moi qu’une franchise pourrait être élevée tout en étant raisonnable si les circonstances le justifient. Ainsi, tout dépend des circonstances de chaque dossier et la franchise raisonnable devrait tenir compte et être calculée en fonction de la situation de faits propre à chaque syndicat, à son historique de réclamations, à la fréquence et à la récurrence de celles-ci, au nombre d’unités, à leur valeur et à celle de l’immeuble, au risque d’assurance encouru par l’assureur etc.
La loi ne fournit aucune réponse et le législateur semble avoir voulu fonctionner à l’inverse, puisque le règlement qui sera adopté ultérieurement par le législateur précisera les critères d’une franchise « déraisonnable ».
ASSURANCE RESPONSABILITÉ CIVILE : ARTICLE 1073.2 ET 1064.1 C.C.Q.
(PAS EN VIGUEUR)
Autre changement important, la Loi prévoit l’obligation du syndicat de payer une assurance responsabilité civile à ses administrateurs5 , mais également à son gérant et aux personnes impliquées et chargées de voir au bon déroulement des assemblées de copropriétaires; on pense entre autres au (à la) président(e) et au (à la) secrétaire d’assemblée.
Quant aux copropriétaires, leur obligation de souscrire à une assurance responsabilité civile sera maintenant expressément prévue par la Loi. Le montant obligatoire minimal de cette assurance responsabilité sera déterminé par règlement du gouvernement à être adopté ultérieurement.
LES AMÉLIORATIONS AUX PARTIES PRIVATIVES : ARTICLE 1070 C.C.Q.
Un des points clé de cette Loi en matière de copropriété divise concerne la constitution et le maintien d’un registre des améliorations apportées par les copropriétaires à leurs parties privatives.
Le but de ce registre est de pouvoir identifier les améliorations qui auront été faites à une unité au fil des ans par les copropriétaires successifs. On vise donc à rendre identifiables ces améliorations puisque c’est le copropriétaire de l’unité qui possède l’intérêt d’assurance pour celles-ci et c’est donc son assureur qui devra les couvrir et indemniser son assuré en conséquence en cas de sinistre (plus-value).
En l’absence de ce registre et d’une description suffisante des unités (individuellement), il y aura une présomption à l’effet qu’aucune amélioration n’a été apportée à l’unité. Cette présomption, si elle était généralisée à toutes les unités de l’immeuble, pourrait faire en sorte que l’ensemble des améliorations soient considérées dans le « coût de reconstruction de l’immeuble »6 , mais également qu’elles soient assurées par l’assurance du syndicat et non plus par l’assurance du propriétaire de l’unité.
Le registre des améliorations fera partie du Registre de la copropriété déjà existant, tel que prévu à l’article 1070 C.c.Q.
Également, au sujet des améliorations aux parties privatives, la Loi prévoit l’obligation du promoteur de remettre au syndicat, dans les 30 jours suivant l’assemblée extraordinaire des copropriétaires, la description des parties privatives prévue à l’article 1070 C.c.Q.
Entrée en vigueur :
Pour les copropriétés établies après le 13 juin 2018 : cet article est entré en vigueur le 13 décembre 2018 et le registre doit donc déjà être constitué.
Pour les autres copropriétés : cet article entrera en vigueur le 13 juin 2020.
DROIT DE SUBROGATION DE L’ASSUREUR : ARTICLE 1075.1
(EN VIGUEUR)
La Loi prévoit que sauf s’il s’agit d’un préjudice corporel ou moral ou que le préjudice résulte d’une faute intentionnelle ou lourde, un assureur ne pourra être subrogé dans les droits de l’une ou l’autre des personnes suivantes, à l’encontre d’une autre de celles-ci :
1) Le syndicat de copropriété;
2) Un(e) copropriétaire;
3) Une personne qui fait partie de la maison d’un copropriétaire7 ;
4) Une personne dont le syndicat de copropriété doit couvrir la responsabilité.
Conséquemment, ni l’assureur du syndicat de copropriété, pas plus que celui d’un copropriétaire, ne pourront exercer un recours subrogatoire à l’encontre de l’un ou l’autre d’entre eux, sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle.
Cette disposition est entrée en vigueur le 13 décembre 2018 et elle s’applique nonobstant les dispositions de l’article 2474 C.c.Q.
CHOIX DU SYNDICAT DE SE PRÉVALOIR OU PAS DE SON ASSURANCE DE BIENS ET RECOUVREMENT DES FRANCHISES : ARTICLE 1074.1 ET 1074.2 C.C.Q. (EN VIGUEUR)
L’état du droit, antérieurement au 13 juin 2018, était à l’effet que le syndicat de copropriété avait l’obligation de dénoncer et de présenter une réclamation à son assureur en cas de sinistre8.
Bien que l’obligation de dénonciation du syndicat subsiste, depuis l’entrée en vigueur du nouvel article 1074.1 C.c.Q. le 13 décembre 2018, les syndicats sont autorisés à se prévaloir, ou pas, de la couverture assurance de biens du syndicat, c’est-à-dire qu’ils sont autorisés à choisir de ne pas présenter de réclamation à leur assureur, évitant donc une éventuelle augmentation de la prime et de la franchise d’assurance.
Les nouveaux articles 1074.1 et 1074.2 C.c.Q. se lisent comme suit :
1074.1 Lorsque survient un sinistre mettant en jeu la garantie prévue par un contrat d’assurance de biens souscrit par le syndicat et que celui-ci décide de ne pas se prévaloir de cette assurance, il doit avec diligence voir à la réparation des dommages causés aux biens assurés.
Le syndicat qui ne se prévaut pas d’une assurance ne peut poursuivre les personnes suivantes pour les dommages pour lesquels, autrement, il aurait été indemnisé par cette assurance :
1. Un copropriétaire ;
2. Une personne qui fait partie de la maison d’un copropriétaire ;
3. Une personne à l’égard de laquelle le syndicat est tenu de souscrire une assurance en couvrant la responsabilité.
1074.2 Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute.
Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa.
(les soulignements sont les nôtres)
Suivant ce qui précède, on comprend que lorsque le syndicat décide de ne pas se prévaloir de son assurance de biens :
- Il devient en quelque sorte son propre assureur ;
- il doit voir à la réparation des dommages causés aux parties privatives et aux parties communes avec diligence ;
- il ne pourra poursuivre le copropriétaire, la personne qui fait partie de la maison d’un copropriétaire ou toute autre personne à l’égard de laquelle il est tenu de souscrire une assurance en couvrant la responsabilité (par exemple le gérant, le (la) président(e) d’assemblée) pour les dommages pour lesquels il aurait pu être indemnisé par son assureur ;
- il assumera la totalité du coût des travaux, à l’exception des ceux associés aux améliorations des parties privatives.
Cela sous-entend qu’afin de pouvoir prendre une décision libre et éclairée quant à savoir s’il renonce ou pas à se prévaloir de sa protection d’assurance, le syndicat devrait faire préparer un devis des travaux par un professionnel. Ce devis est nécessaire pour connaître l’ampleur des dommages, l’étendue et la portée des travaux à réaliser, ainsi que les coûts associés à ces travaux.
Afin d’illustrer notre propos, prenons l’exemple suivant :
Un copropriétaire omet de remplacer son chauffe-eau qui a près de 11 ans d’usure. Le chauffe-eau brise et se vide de son contenu, causant des dommages à l’unité du copropriétaire ainsi qu’à 3 autres unités et aux parties communes. Les dommages causés par le bris du chauffe-eau sont de l’ordre de 45 000.00$ et la franchise d’assurance applicable du syndicat est de 20 000.00$.
Avant le 13 décembre 2018 :
Situation # 1 : le syndicat, en raison du risque qu’il considère élevé de ne plus pouvoir être assuré, et bien que conscient qu’il doit dénoncer le sinistre à son assureur, décide de ne pas déclarer l’évènement à son assureur, ni en réclamer d’indemnité. Il procède aux travaux de réfection et de remise en état de toutes les unités et des parties communes pour un montant total de 45 000.00$, qu’il paie. Il se tourne ensuite vers le copropriétaire fautif qui a négligé de remplacer son chauffe-eau avant la date indiquée, soit la date du 10ème anniversaire, et il lui réclame la franchise d’assurance de 20 000.00$ Le syndicat assume la différence, soit un montant de 25 000.00$ (exception faite de la plus-value qui découlerait des améliorations aux parties privatives).
Situation # 2 : le syndicat déclare l’évènement à son assureur et il produit une réclamation. L’assureur lui verse un montant de 25 000.00$9 compte tenu de la franchise d’assurance de 20 000.00$. Le syndicat procède aux travaux de réfection et de remise en état de toutes les unités affectées et des parties communes pour un montant total de 45 000.00$ qu’il paie à l’entrepreneur. Le syndicat réclame ensuite au copropriétaire qui a négligé de remplacer son chauffe-eau à la date indiquée la franchise d’assurance de 20 000.00$, franchise qui lui est remboursée par l’assureur du copropriétaire. Le syndicat n’aura donc rien débou
rsé de sa poche.
Après le 13 décembre 2018 :
Situation # 3 : le syndicat, compte tenu des dispositions de l’article 1074.1 C.c.Q., décide de ne pas se prévaloir de son assurance. Il fait procéder aux travaux de réfection et de remise en état de toutes les parties privatives affectées et des parties communes avec diligence et célérité. Le devis qu’il avait fait préparer au préalable indiquait que les travaux couteraient 45 000.00$, prix qui a été respecté et que le syndicat paie à l’entrepreneur.
Qu’en est-il du recouvrement de la franchise de 20 000.00$ ?
En vertu de 1074.1 C.c.Q., le recours du syndicat pour le recouvrement de la franchise de 20 000.00$ semble toujours permis car le syndicat n’aurait pas été indemnisé pour ce 20 000.00$ que constitue la franchise.
L’article 1074.2 C.c.Q. prévoit toutefois que les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens ne peuvent être recouvrées des copropriétaires que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts que le syndicat peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute.
Dans la situation # 3 ci-dessus, les dommages-intérêts que le syndicat pourrait obtenir suivant les dispositions de l’article 1074.2 C.c.Q. se limitent au montant de la franchise d’assurance, soit à 20 000.00$.
Il pourrait par ailleurs arriver que certains dommages ne soient pas couverts par la police d’assurance du syndicat, soit parce que le risque n’a pas été assuré ou parce qu’il a été exclu, ou encore parce que la couverture est insuffisante. Dans de tels cas, le syndicat conserverait son recours subrogatoire contre le copropriétaire fautif car il n’aura pas été indemnisé par son assureur.
Qu’en est-il maintenant si dans notre exemple, le chauffe-eau n’avait que 8 ans d’usure, que l’obligation des copropriétaires est de les changer à la date de leur 10ème anniversaire, et qu’il n’y a eu aucun signe avant-coureur, ni aucun indice d’un bris ou d’un disfonctionnement quelconque. Le syndicat pourrait-il réclamer le remboursement de la franchise d’assurance au copropriétaire qui, à première vue du moins, ne semble pas avoir commis de faute?
A la lecture des dispositions de l’article 1074.2 C.c.Q., il semble bien que notre question doive recevoir une réponse négative. Conséquemment, à défaut de pouvoir prouver une faute du copropriétaire10, tout semble indiquer que le syndicat devra assumer la franchise d’assurance et que celle-ci ne pourra être recouvrée des copropriétaires que par leur contribution aux charges communes, c’est-à-dire qu’elle sera payable par tous les copropriétaires selon la quote-part de leurs unités.
On semble revenir ici aux règles générales en matière de responsabilité, c’est-à-dire qu’en principe, nul n’est tenu de payer quoi que ce soit sauf s’il a commis une faute, et que si tu commets une faute, tu en es responsable. Il s’agit ici de la preuve d’une faute simple par opposition à la faute lourde, grave ou intentionnelle qui serait requise pour l’assureur.
Le législateur a décidé que l’article 1074.2 C.c..Q serait d’ordre public, que ses dispositions seraient impératives, prévoyant expressément que sera réputée non écrite toute stipulation qui dérogerait aux dispositions de l’article 1074.2 C.c.Q.
Naturellement, on pense aux clauses de responsabilité contractuelle qui se trouvent dans la plupart des déclarations de copropriété et qui prévoient que les copropriétaires sont et demeurent responsables des dommages qu’ils causent, ainsi que des dommages causés par le fait d’un bien dont ils sont responsables.
Ces clauses de responsabilité étaient régulièrement utilisées par les syndicats afin d’obtenir du copropriétaire et/ou de son assureur le remboursement de la franchise d’assurance lorsque les dommages étaient causés par le fait autonome d’un bien du copropriétaire. La règle générale étant que nul n’est tenu de payer quoi que ce soit sauf s’il a commis une faute, il reste maintenant à voir comment seront interprétées ces clauses contractuelles dans les circonstances de l’entrée en vigueur de ces nouveaux articles de la Loi, quelle sera la portée et la validité qui leur seront données par les tribunaux, si elles seront déclarées invalides puisqu’exorbitantes du principe de 1074.2 C.c.Q. Ce sera certainement un sujet à suivre de près.
ASSURANCE DE PREMIERE LIGNE : ARTICLE 1074.3 C.C.Q.
(EN VIGUEUR)
Depuis le 13 décembre 2018, l’assurance du syndicat est l’assurance de première ligne. Conséquemment, il faut d’abord réclamer les dommages couverts à l’assureur du syndicat. Advenant que certains de ces dommages ne soient pas couverts ou que la couverture soit insuffisante, il sera alors permis de s’adresser et de réclamer aux assureurs individuels.
RISQUES ASSURABLES PAR LE SYNDICAT : ARTICLE 1073.1 C.C.Q. (NON EN VIGUEUR)
Cet article entrera en vigueur en même temps que le règlement qui sera adopté à son sujet par le législateur.
Le règlement précisera les risques que devra assurer le syndicat. Également, alors que présentement c’est « la valeur à neuf de l’immeuble » qui est la valeur retenue pour les fins du montant d’assurance, cette valeur sera remplacée par le « montant nécessaire à la reconstruction de l’immeuble conformément aux normes, usages et règles de l’art applicables au moment de la souscription d’assurance ». Cette « valeur de reconstruction » inclut les coûts de déblaiement, de reconstruction, les honoraires des professionnels impliqués etc.
La Loi prévoit aussi que le montant d’assurance devra être réévalué à tous les cinq (5) ans par un membre d’un ordre professionnel qui sera déterminé par règlement.
PERTE IMPORTANTE : ARTICLE 1075.1 C.C.Q. (NON EN VIGUEUR)
L’article 1075.1 C.c.Q. entrera en vigueur en même temps que le règlement qui sera adopté à son sujet par le législateur.
Le règlement déterminera les critères permettant de qualifier une perte comme « importante » et précisera que le syndicat doit désigner un fiduciaire. Si celui-ci n’est pas déjà nommé dans la déclaration de copropriété, le syndicat devra en nommer un.
Ce sont là les principaux changements en matière d’assurance de copropriété apportés par la Loi adoptée le 13 juin dernier, dont certaines dispositions sont entrées en vigueur le 13 décembre 2018.
A notre avis, les modifications en matière d’assurance de copropriété, et tout particulièrement celles qui concernent le recouvrement des franchises d’assurance du propriétaire du bien qui a causé les dommages uniquement si faute de sa part constituent un changement majeur pour les copropriétés québécoises, changement qui aura des répercussions importantes pour les finances des syndicats et celles des copropriétaires.
On peut certes s’interroger sur le semblant d’absence de vision globale du législateur en matière de réforme du droit de la copropriété. En effet, alors que plusieurs copropriétés peinent toujours à constituer un fonds de prévoyance minimalement suffisant pour répondre aux besoins, il est tout à fait légitime de se questionner sur l’opportunité et sur la nécessité de devoir constituer un 3ème fonds, de devoir assumer collectivement les franchises d’assurances et/ou de devoir investir des sommes considérables pour tenter de prouver une faute du propriétaire du bien en vue de pouvoir recouvrer lesdites franchises d’assurances, sur l’impact de ces nouvelles obligations sur la valeur des unités de copropriété québécoises sur le marché, sur l’intérêt qu’elles suscitent auprès des acheteurs.
Que l’on pense aux jeunes acheteurs, aux premiers acheteurs, l’accès à la propriété n’est pas une chose facile. Si l’on se tourne du côté des retraités et des personnes plus âgées, ce n’est guère mieux : leurs revenus ne sont pas inépuisables, ils sont fixes et sans grande possibilité de pouvoir les augmenter en fonction des cotisations spéciales qui seront vraisemblablement nécessaires. Est-ce que ces modifications servent leurs intérêts? La question se pose et une réflexion s’impose.
Bien sûr, nous ne sommes pas au fait de toutes les demandes, revendications et pressions qui ont pu être faites par les différents groupes de lobbying avant l’adoption de la Loi. À première vue, ces nouvelles dispositions favorisent les assureurs des copropriétaires : les réclamations qui leur seront faites par leurs assurés pour le remboursement de la franchise d’assurance du syndicat et le coût des dommages qu’ils ont causés et/ou que leurs biens ont causés devraient à notre diminuer de façon significative. Du côté des assureurs des syndicats, ils ne pourront que s’en réjouir puisque si les indemnités qu’ils versent augmentent, les primes d’assurance augmenteront également en conséquence, d’autant plus que les franchises devront sous peu être « raisonnables ». Dans ce jeu de pouvoir qui se joue en coulisses, les grands perdants sont les copropriétaires et les administrateurs qui tenteront, au jour le jour, de gérer et d’entretenir un immeuble au meilleur de leurs connaissances et des capacités, incluant la capacité financière.
Comme nous l’annoncions en introduction, des voix s’élèvent déjà contre les effets concrets de ces dispositions dans la gestion et les opérations quotidiennes d’un syndicat, sur les conséquences et l’application qui en est faite par certains assureurs, experts en sinistres et courtiers à des situations et à des réclamations antérieures au 13 décembre 2018, sur les fonds supplémentaires qui devront être demandés aux copropriétaires, sur le nombre et le montant des cotisations spéciales qui seront nécessaires etc. Bon nombre de gestionnaires ne peuvent que constater la confusion qui semble régner présentement et se demandent si les syndicats ne s’en sont pas fait passer une vite.
Au-delà des questions qui précèdent, on peut également s’interroger sur les motifs qui ont poussé le législateur à adopter à la pièce les modifications législatives concernant la copropriété, à en faire entrer en vigueur quelques-unes alors que les autres n’entreront en vigueur que dans un an, deux ans, trois ans.
Et qu’arrivera-t-il avec le projet de loi 401, déposé par l’ancienne ministre Lise Thériault le 12 juin 2018, à 3 jours de la fin de la session parlementaire, juste avant les élections provinciales ? Ce projet de loi visait à régler certaines autres problématiques vécues au quotidien en copropriété et clarifiait certaines ambiguïtés et incertitudes créées par la rédaction des dispositions actuellement en vigueur ou par certaines décisions rendues par nos tribunaux. Quelles sont les intentions de la CAQ au sujet de ce projet de loi ? Compte-t-il le reprendre et procéder à son étude en commission parlementaire ? Compte-t-il le modifier ? Le laissera-t-il mourir au feuilleton et le remplacer par une loi particulière à la copropriété ?
De nombreuses questions se posent et au moment où on se parle, nous ignorons ce qui se trouve sur la planche à dessin de la CAQ.
L’année 2019 marque le 50ème anniversaire de la copropriété au Québec. Cinquante (50) ans ce n’est banal ! C’est l’occasion de célébrer la copropriété divise québécoise et d’accorder à ce mode d’habitation et à ce secteur de l’économie toute l’importance qu’il mérite vu le rôle important qu’il joue pour le développement de notre société, pour celui des nombreuses familles et individus qui la composent. A notre avis, l’importance qu’elle revêt passe par une réforme législative complète, cohérente et en profondeur.
Si vous avez des questions sur les modifications qui sont déjà entrées en vigueur, sur celles qui devraient entrer en vigueur d’ici 2022, sur les changements proposés par le Projet de 401, ou si vous souhaitez obtenir des informations sur les modes de prévention et de règlement d’un différend que vous vivez dans votre copropriété, je vous invite sincèrement à ne pas hésiter à communiquer avec moi. Il me fera grand plaisir d’échanger avec vous.
Sur ce, je vous souhaite à tous, chers lecteurs, chères lectrices, un magnifique printemps !
1 Anciennement le projet de loi 150.
2 Certaines dispositions n’entreront en vigueur que postérieurement, à des dates et échéances variées, en fonction des « règlements » que le gouvernement rédigera et adoptera en application de ces dispositions. Le gouvernement s’est donné jusqu’au 13 juin 2020 pour publier les « règlements ». Conséquemment, certaines dispositions de la Loi pourraient n’entrer en vigueur qu’en mars 2022.
3 Ne s’applique pas au locataire ou à l’occupant.
4 Nadkarni c. SDC du 2237 Madison, 2014 QCCS 6231, SDC Verrières VI c. Maddalon, 2018 QCCS 2312.
5 C’est déjà le cas pour plusieurs copropriétés en raison des dispositions de leur déclaration de copropriété.
6 Et donc sur la valeur à assurer par le syndicat.
7 Ne s’applique pas au locataire ou à l’occupant.
8 Nadkarni c. SDC du 2237 Madison, 2014 QCCS 6231, SDC Verrières VI c. Maddalon, 2018 QCCS 2312.
9 En prenant pour acquis qu’il n’y avait aucune amélioration dans les parties privatives affectées.
10 Le syndicat n’a pas besoin de prouver que le copropriétaire a causé le bris du chauffe-eau. Il doit plutôt faire la preuve qu’une personne raisonnable, dans les mêmes circonstances, aurait changé son chauffe-eau ou qu’il y a eu des indices ou des signes précurseurs que le copropriétaire a ignorés.
Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.
Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée (IMAQ)
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