RESPONSABILITÉS ET ÉTAPES À SUIVRE EN CAS DE SINISTRE PAR DÉGÂT D’EAU
Revue CopropriétéPLUS, Hiver 2020
Les dégâts d’eau sont la 1ère cause de sinistre en copropriété. Leur proportion a plus que doublé dans les dernières années. Rien d’étonnant à ce qu’un nombre important d’assureurs aient préféré se retirer de ce marché.
Les dégâts d’eau sont habituellement causés par un mauvais entretien ou un entretien déficient de l’immeuble (parties communes et/ou privatives), par une construction d’origine déficiente, voire quelquefois non-conforme, par nos climats changeants, par de l’inattention, par de la négligence.
Les « je m’en occuperai plus tard », « c’est trop dispendieux », « on n’a pas le budget, on va reporter de quelques semaines, quelques mois » ou les « ce n’est rien d’inquiétant, c’est mineur, il n’y a pas d’eau qui coule », sont des formules à proscrire, à reléguer aux oubliettes dès mainten
ant.
Les dégâts d’eau sont quelquefois difficiles à déceler et leur origine tout autant, puisque l’eau chemine le long des matériaux et se glisse là par où elle peut passer. Les causes des dégâts d’eau que nous rencontrons le plus fréquemment en pratique sont les suivantes :
• Calfeutrage vétuste, inefficace ou défectueux des fenêtres;
• Étanchéité déficiente des ouvertures de l’immeuble (fenêtres et portes-patio), des murs de l’immeuble ou de la toiture de l’immeuble;
• Débordement et/ou rupture des conduits et/ou canalisations (plomberie) de l’immeuble (communes ou privatives);
• Refoulement d’égouts ou égouts bouchés;
• Lave-vaisselle, machine à laver, bain ou toilette qui déborde;
• Tuyaux ou boyaux d’arrivée d’eau qui ont cédé, dont ceux des distributeurs à glaçons des congélateurs;
• Joints d’étanchéité défectueux au pourtour des installations sanitaires (douche, bain, cuvette de toilette, bidet, lavabo)
• Oubli ou négligence d’un copropriétaire (fenêtre ou robinet pas fermé, chasse d’eau de la toilette non réparée, accrochage d’un gicleur pendant des travaux) etc.
La gestion efficace d’un dégât d’eau requiert que certaines actions soient déployées promptement puisque la présence d’humidité qui en découle peut favoriser le développement de moisissures et affecter la santé des occupants de l’immeuble et même, éventuellement, endommager la structure du bâtiment.
Afin de mieux comprendre la suite, un bref rappel des obligations du syndicat. Il :
• a pour objet la conservation de l’immeuble, l’entretien et l’administration des parties communes, la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble ou à la copropriété, ainsi que toutes les opérations d’intérêt commun;
• est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d’entretien des parties communes;
• a un intérêt assurable dans tout l’immeuble, y compris dans les parties privatives, à l’exclusion des améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie privative.
Quant aux copropriétaires, ils doivent voir à :
• entretenir et réparer leur partie privative, leur contenu et les éléments et composantes qui en font partie dès que nécessaire;
• assurer les améliorations faites à leur partie privative ainsi que le contenu (effets personnels, biens meubles et meubles meublants etc.);
• s’assurer pour la perte de jouissance de leur unité en cas de sinistre (ex : relocalisation pendant les travaux, gestion, déplacement et entreposage du contenu et des biens de l’unité pendant les travaux etc.);
• assurer leur responsabilité civile pour les dommages qu’ils pourraient causer (ou causés par leurs invités, famille, locataires, mandataires, préposé, animaux ou le fait des biens dont ils sont responsables).
Dès qu’un dégât d’eau survient, le premier geste qui doit être posé par le copropriétaire occupant la partie privative (ou le locataire, ou toute autre personne qui occupe l’unité) est d’informer immédiatement le gestionnaire de la copropriété et/ou les administrateurs du syndicat.
Il est essentiel de trouver le plus rapidement possible d’où origine le dégât d’eau afin de pouvoir déployer les mesures appropriées pour limiter les dommages, sécuriser les personnes qui pourraient être en péril, minimiser le préjudice causé à l’immeuble et aux biens.
Dès qu’il est informé d’un dégât d’eau, l’administrateur ou le gestionnaire doit prendre les mesures urgentes et conservatoires nécessaires pour la préservation des lieux. Il faut donc, premièrement, arrêter la source du dégât d’eau, lorsque possible.
Il faut ensuite immédiatement communiquer avec la compagnie d’assurance du syndicat, par téléphone, afin que soient prises les mesures d’assèchement des murs, cloisons, plafonds et matériaux qui seraient affectés par le dégât d’eau, le but étant d’évacuer l’eau et d’assécher le plus rapidement possible les lieux affectés afin d’éviter l’apparition de moisissures. Les 48 premières heures sont cruciales en ces circonstances.
Si vous (lire : les administrateurs ou le gestionnaire) décidez de faire appel vous-mêmes à une compagnie d’urgence sinistre, nous vous recommandons de vérifier et d’informer au préalable l’assureur du syndicat de vos intentions, afin qu’il puisse en être informé et qu’il puisse juger de leur pertinence, mais également de leur suffisance pour limiter les dommages.
Il vous faudra ensuite déclarer formellement le dégât d’eau à l’assureur du syndicat, et les copropriétaires affectés devront en faire de même auprès de leurs assureurs personnels, autant le copropriétaire d’où origine le sinistre, que celui (ceux) affectés.
La déclaration de sinistre est obligatoire, peu importe que le syndicat décide de réclamer ou non par la suite, et peu importe si les dommages sont négligeables ou plus importants. La seule condition est que les dommages soient couverts par la police d’assurance.
Cette obligation a toujours existé : ce n’est pas une nouvelle obligation découlant des dispositions du projet de loi 141 entré en vigueur le 13 décembre 2018.
La déclaration de sinistre doit se faire le plus tôt possible, en suivant les indications contenues à votre contrat d’assurance (mode et modalités de déclaration, coordonnées, délais etc.).
ARTICLE 2470 C.C.Q. : Obligation de déclaration de sinistre : L’assuré doit déclarer à l’assureur tout sinistre de nature à mettre en jeu la garantie, dès qu’il en a connaissance. Tout intéressé peut faire cette déclaration.
Déchéance du droit à l’indemnisation : Lorsque l’assureur n’a pas été ainsi informé et qu’il en a subi un préjudice, il est admis à invoquer contre l’assuré, toute clause de la police qui prévoit la déchéance du droit à l’indemnisation dans un tel cas.
ARTICLE 2471 C.C.Q. : Obligation d’informer l’assureur : À la demande de l’assureur, l’assuré doit, le plus tôt possible, lui faire connaître toutes les circonstances entourant le sinistre, y compris sa cause probable, la nature et l’étendue des dommages, l’emplacement du bien, les droits des tiers et les assurances concurrentes […].
Cette déclaration à l’assureur devrait toujours se faire par écrit, avec preuve d’envoi et de réception. Ainsi, même si vous avez procédé à une déclaration par téléphone afin que votre assureur mette en place les mesures conservatoires et urgentes nécessaires, une déclaration écrite devrait suivre dans les plus brefs délais.
Ne pas déclarer un sinistre à son assureur, tout comme faire une déclaration mensongère ou erronée, pourrait entrainer des conséquences très graves pour un syndicat, pouvant éventuellement aller jusqu’au refus complet de l’assureur de vous indemniser pour les dommages subis.
Le copropriétaire d’où origine le dégât d’eau, tout comme le(s) copropriétaire(s) affecté(s) par celui-ci, et les locataires, s’ils sont assurés, doit (vent) également déclarer le dégât d’eau à leur(s) assureur(s) respectif(s), pour les mêmes motifs que ci-dessus.
Une fois que la déclaration de sinistre est faite, divers intervenants entreront en jeu : l’assureur du syndicat désignera son expert en sinistre, celui du copropriétaire d’où émane le dégât d’eau en fera de même, tout comme ceux des copropriétaires affectés, celui du locataire qui occupe l’unité etc.
En faits, plusieurs acteurs interviennent lors d’un dégât d’eau (comme dans tout sinistre) : le copropriétaire occupant de l’unité d’où origine le dégât d’eau, ou son locataire et/ou l’occupant de son unité, les copropriétaires affectés par le dégât d’eau, et finalement le syndicat. Il y aura autant d’assureurs qu’il y aura de parties impliquées.
Lorsque le dégât d’eau occasionne des dommages aux parties communes ou privatives, c’est l’assureur du syndicat qui sera le premier des assureurs à prendre charge des dommages subis, puisque comme nous l’avons ci-dessus, le syndicat doit souscrire une assurance pour couvrir les parties communes et privatives (sauf les améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie privative).
Peu importe que le sinistre émane d’une partie commune ou privative, rappelez-vous que c’est le syndicat qui prendra en charge la réclamation, autant pour les parties communes que privatives. Si la réclamation est plus élevée que la franchise d’assurance applicable, et que demande d’indemnisation lui est faite, l’assureur du syndicat appliquera les clauses du contrat d’assurance du syndicat et versera une indemnité équivalant à la valeur des dommages estimés par son expert en sinistres, de laquelle il aura soustrait le montant de la franchise d’assurance (« le déductible »).
Revenons donc à la désignation des experts en sinistres.
Les experts en sinistre représentent leurs assureurs respectifs. Ils ont comme mandat de faire enquête sur les causes des dommages, de valider la déclaration de sinistre qui a été faite à l’assureur, de visiter les lieux, d’évaluer l’étendue et la portée desdits dommages, d’identifier le(s) responsables, s’il en est, d’émettre des recommandations à l’assureur quant à toute autre mesure à prendre etc.
Une stricte et étroite collaboration du syndicat avec l’expert en sinistres mandaté par son assureur est essentielle. C’est l’expert en sinistres qui communiquera avec son assuré afin de le guider tout au long du processus de réclamation. C’est l’expert en sinistres qui estimera le montant des dommages et qui négociera son règlement. Ainsi, lorsque l’expert en sinistres demande des informations ou la transmission de documents (par exemple la déclaration de copropriété), il est dans l’intérêt du syndicat de donner suite à sa demande rapidement, le contraire pouvant éventuellement mener à une fermeture du dossier de l’assureur.
Il est important de ne pas effacer les traces du dégât d’eau avant la visite de l’expert en sinistres, car il lui sera difficile d’établir le montant des dommages. Sauf en cas d’urgence, n’effectuez pas de travaux de réparation tant que votre assureur ne vous a pas autorisé à le faire.
Aussi, avant d’assécher les lieux et/ou de se départir des objets détrempés, assurez-vous de prendre des photographies ou des vidéos claires de l’état des lieux et des biens, documentez abondamment votre dossier afin d’étayer une éventuelle réclamation.
Une fois que les experts en sinistres auront terminé leur travail et que leur estimation des dommages aura été faite, le syndicat sera en mesure de prendre une décision éclairée quant au dépôt d’une réclamation à son assureur.
Il sera ensuite temps de retenir les services d’un entrepreneur possédant tous les permis et licences et assurances suffisantes requises pour effectuer les travaux de remise en état qui s’imposent dans les parties communes et privatives.
Si réclamation lui en est faite, l’assureur du syndicat versera une indemnité qui correspond aux dommages subis, tels qu’estimés par son expert en sinistres, déduction faite de la franchise d’assurance applicable, laquelle sera assumée par le fonds d’auto-assurance ou répartie entre les copropriétaires selon leurs quotes-parts respectives dans l’immeuble.
Rappelons que depuis le 13 décembre 2018, le premier alinéa de l’article 1074.1 C.c.Q. prévoit la possibilité, pour un syndicat, de ne pas réclamer à son assureur un dommage affectant l’immeuble. Ce libre choix laissé aux syndicats depuis maintenant un an pourrait permettre d’éviter une augmentation des primes et des franchises d’assurance. Néanmoins, avant de prendre une telle décision, il est important de déclarer le sinistre, de faire évaluer les coûts de reconstruction des lieux affectés (parties communes et privatives) et de vérifier auprès de votre courtier et/ou de votre agent en assurance de dommages s’il est avantageux de ne pas réclamer, quels seront les impacts d’une telle éventuelle réclamation etc.
Si le syndicat décide de ne pas réclamer d’indemnité à son assureur, il devient en quelque sorte son propre assureur, et il devra engager lui-même, avec diligence, les travaux de remise en état des parties communes et privatives affectées. Pour ce faire, la préparation d’un devis des travaux sera nécessaire pour déterminer la portée des travaux à réaliser et leurs coûts. Le recours à un professionnel du bâtiment pourrait également être requis : cela permet de vérifier les conséquences éventuelles du sinistre subi sur l’intégrité de l’immeuble.
En ce cas, le syndicat devra assumer la totalité de la facture des travaux, exception faite des coûts associés à la plus-value découlant des améliorations faites aux parties privatives et des coûts découlant de la gestion et du déplacement des biens dans les unités, lesquels sont assumés par le(s) assureur(s) du (des) copropriétaire(s).
Quelques rappels utiles :
► vérifier vos couvertures d’assurances et surtout les dispositions portant sur les exclusions en lien avec les dommages aux biens;
► vérifiez vos protections en matière de dégât d’eau, d’infiltrations d’eau (par le sol et autres que par le sol), de refoulements d’égout etc.
► miser sur la prévention est essentiel. Plusieurs solutions et alternatives existent pour tenter de réduire les risques d’un dégât d’eau;
► le « temps » est le facteur le plus important en matière de dégât d’eau et les 48 premières heures sont cruciales;
► il faut limiter la cause/l’origine du dégât d’eau et activer le processus d’assurance le plus vite;
► faites estimer le coût des travaux de remise en état à réaliser. Cela vous permettra de prendre une décision libre et surtout éclairée quant à la réclamation auprès de votre assureur et des conséquences d’une telle réclamation.
2 Art. 1039 C.c.Q.
3 Art. 1077 C.c.Q.
4 Art. 1073 C.c.Q.
5 Sans compter les effets d'une telle inscription sur le dossier d'assurabilité du syndicat.
6 Une fois que les disposition relatives à ce fonds seront en vigueur.
Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.
Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée (IMAQ)
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