Mise à jour sur la réforme législative, assemblées virtuelles, arbitrage et médiation à distance, reprise des activités judiciaires : la copropriété « post covid » à l’ère du numérique
Revue CopropriétéPLUS, Été 2020
Lors de la rédaction de ma dernière chronique, le Québec, comme partout ailleurs sur la planète, venait de basculer dans la plus grosse crise sanitaire jamais connue. Trois mois plus tard, bien que l’état d’urgence ait été prolongé et qu’il soit maintenu, une amélioration de la situation semble évidente : le nombre de nouveaux cas par jour diminue, ainsi que le nombre de décès. Et c’est tant mieux. Il faut toutefois demeurer prudents et faire preuve de vigilance si nous voulons éviter une 2ème vague d’ici à ce que les vaccins soient disponibles.
Mais quoi qu’on en dise et quoi qu’on fasse, la vie suit inexorablement son cours et il faut que les choses avancent. Et on peut dire qu’en copropriété, les choses ont énormément bougé, qu’elles ont avancé à un rythme qui a permis de rattraper le retard, pour ne pas dire l’immobilisme, des 10-15 dernières années. Et la période Covid-19 n’aura pas empêché le législateur de continuer sa réforme, au contraire : elle aura permis à la copropriété de se moderniser, d’expérimenter de nouvelles façons de faire qui, espérons-le, sont là pour rester, telles quelles ou adaptées, et ce pour le plus grand bénéfice des syndicats de copropriété et des copropriétaires québécois.
Projet de loi 14, projet de loi 16, projet de loi 41, publication et adoption de Règlements, arrêté, décrets : comment s’y retrouver?
À mon avis, et dit avec grand respect, la réforme du droit de la copropriété s’est faite de façon quelque peu chaotique et sa compréhension en est difficile; pas tant dans la teneur ou la portée des modifications apportées, mais plutôt dans l’effort que requiert l’exercice de suivre et comprendre les différentes dates d’entrée en vigueur des dispositions, celles qui sont assujetties à l’entrée en vigueur d’un Règlement et, le cas échéant, s’il a été publié, s’il a été sanctionné, s’il est entré en vigueur, les dispositions qui ont été modifiées, remodifiées et de nouveau remodifiées. Bref, si l’exercice est pénible et ardu pour les juristes, je n’ose imaginer ce qu’il en est pour les membres des conseils d’administration, les copropriétaires et les gestionnaires qui tentent de s’y retrouver.
Je vous présente donc ci-dessous un tableau des différents projets de loi, Règlements et autres aspects de la réforme du droit de la copropriété, incluant certaines modifications apportées par arrêté pendant la pandémie. Je vous entretiendrai ensuite de certains aspects de cette réforme, notamment de la récente modification des dispositions de l’article 1074.2 C.c.Q. en matière de remboursement de franchise d’assurance ou du coût des travaux entrepris par le syndicat et de l’adoption des fiches descriptives des parties privatives, pour ne nommer que ceux-là, pour terminer en vous parlant d’arbitrage, de médiation et d’assemblées à distance, ainsi que de la reprise des activités judiciaires. Je vous souhaite une bonne lecture!
Projet de loi 141 sanctionné le 13 juin 2018 : Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières (2018, Chapitre 23) « Loi 23 » |
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Article |
Objet |
Date de l’entrée en vigueur |
Commentaires |
1064.1 |
Assurance responsabilité des copropriétaires |
15 avril 2020 |
Voir la section sur le Règlement du 15 avril 2020 |
1070 alinéa 3 |
Description des parties privatives |
17 mars 2020 |
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1071.1 |
Fonds d’auto-assurance |
15 avril 2022 |
Voir la section sur le Règlement du 15 avril 2020 |
1073 |
Intérêt assurable du syndicat, valeur à assurer – professionnels autorisés |
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Voir la section sur le PL 41 et celle sur le Règlement du 15 avril 2020 |
1074.1 |
Assurance du syndicat- sinistre, assurance de biens |
13 décembre 2018 |
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1074.2 |
Assurance – remboursement des franchises ou des sommes engagées par le syndicat pour la réparation du préjudice occasionné aux biens |
13 décembre 2018 |
Voir Projet de loi 41 pour amendement apporté à cet article |
1074.3 |
Assurance de 1ère ligne |
13 décembre 2018 |
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1075 |
Désignation d’un fiduciaire et critères de qualification de l’importance d’une perte |
10 janvier 2020 |
Le Règlement du gouvernement pour déterminer les critères permettant de qualifier une perte comme importante n’a pas encore été adopté. Conséquemment, la fin de l’alinéa 2 de l’article 1075 n’est pas encore entré en vigueur |
1075.1 |
Subrogation par l’assureur du syndicat |
13 décembre 2018 |
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1078 |
Exécution d’un jugement sur le fonds d’auto-assurance (ajout) |
La modification n’est pas encore entrée en vigueur |
La fin du 2ème alinéa de l’article 1078 C.c.Q. ne pourra entrer en vigueur tant que l’article 1071.1 ne sera pas lui-même entré en vigueur le 15 avril 2022 |
Projet de loi 16 sanctionné le 11 décembre 2019 : Loi visant principalement l’encadrement des inspections en bâtiment et de la copropriété divise, le remplacement de la dénomination de la Régie du logement et l’amélioration de ses règles de fonctionnement et modifiant la Loi sur la Société d’habitation du Québec et diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal (2019, Chapitre 28) « Loi 28 » |
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Article |
Objet |
Date d’entrée en vigueur |
Commentaires |
1039 |
Confirmation du devoir du syndicat d’effectuer les travaux de conservation et d’entretien de l’immeuble |
10 janvier 2020 |
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1053 |
Contenu de l’Acte constitutif de la déclaration de copropriété et reconnaissance de la clause pénale comme une disposition de l’Acte constitutif |
10 janvier 2020 |
En vertu des dispositions transitoires, les clauses pénales incluses dans la partie Règlement d’immeuble et adoptées avant cette date sont réputées faire partie de l’acte constitutif de la DC |
1060 |
Formalités pour toute modification du Règlement de l’immeuble et son dépôt au Registre de la copropriété |
10 janvier 2020 |
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1064 |
Choix pour la répartition des charges relatives aux réparations majeures et remplacement des parties communes à usage restreint |
10 janvier 2020 |
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1065 |
Obligation du nouvel acquéreur d’en aviser le syndicat dans les 15 jours Obligation du locateur d’en aviser le syndicat dans les 15 jours, et divulgation d’informations obligatoires |
10 janvier 2020 |
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1066 |
Avis à donner par le syndicat à l’occupant en cas de travaux et contenu de l’avis |
10 janvier 2020 |
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1068.1 |
Attestation sur l’état de la copropriété à remettre par le syndicat au copropriétaire vendeur qui en fait la demande – délai |
Pas encore entré en vigueur |
En attente du Règlement qui sera édicté |
1068.2 |
Obligation du syndicat de remise de documents à tout promettant-acheteur |
10 janvier 2020 |
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1069 |
Inclusion des intérêts au montant auquel est tenu l’acheteur en cas de défaut du vendeur d’acquitter les charges communes dues pour l’unité |
10 janvier 2020 |
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1070 |
Contenu plus complet du Registre de la copropriété |
10 janvier 2020 (en partie) |
Quant au carnet d’entretien et à l’étude du fonds de prévoyance, ce n’est pas encore entré en vigueur et il faudra attendre que le Règlement soit édicté Pour l’alinéa 3 concernant la description des parties privatives, voir aussi le projet de loi 41 et l’arrêté numéro 2020-032 |
1070.1 |
Présence d’un administrateur ou d’une personne désignée pour gérer la consultation du Registre de la copropriété – modalités d’accès au Registre de la copropriété |
10 janvier 2020 |
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1070.2 |
Création et mise à jour d’un carnet d’entretien |
Pas encore entré en vigueur |
En attente du Règlement à être édicté |
1071 |
Création, mise à jour et révision d’une étude du fonds de prévoyance, et obligation de fixer les contributions en fonction de l’étude |
Pas encore entré en vigueur |
En attente du Règlement à être édicté |
1072.1 |
Consultation de l’assemblée sur les cotisations spéciales |
10 janvier 2020 |
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1076.1 |
Hypothèque mobilière |
10 janvier 2020 |
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1079 |
Fin du prêt à usage d’une partie privative |
10 janvier 2020 |
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1083.1 |
Obtention des plans et devis de l’immeuble détenus par un architecte ou ingénieur |
10 janvier 2020 |
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1086 |
Inhabileté d’un administrateur en cas de défaut de paiement de ses charges communes |
10 janvier 2020 |
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1086.1 |
Remise des procès-verbaux des décisions prises au cours des réunions de CA dans les 30 jours de la réunion |
10 janvier 2020 |
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1086.2 |
Procédure judiciaire de contestation d’une décision du CA – délai |
10 janvier 2020 |
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1086.3 |
Procédure judiciaire pour débloquer un empêchement ou une opposition systématique |
10 janvier 2020 |
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1086.4 |
Demande de remplacement d’un CA par un administrateur provisoire |
10 janvier 2020 |
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1089 |
Quorum nécessaire pour les décisions visées à l’article 1097 C.c.Q. lors de l’ajournement d’une assemblée |
10 janvier 2020 |
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1090 |
Vote des indivisaires, présomption de représentation de l’indivisaire absent |
10 janvier 2020 |
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1092 |
Voix du promoteur dans une copropriété de 5 fractions et plus |
10 janvier 2020 |
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1093 |
Définition de promoteur |
10 janvier 2020 |
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1094 |
Perte du droit de vote pour défaut d’acquitter les charges communes – modalités pour la reprise du droit de vote |
10 janvier 2020 |
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1096 |
Nombre de voix pour la modification du Règlement de l’immeuble |
10 janvier 2020 |
Voir l’article 1060 C.c.Q. |
1097 |
Modification du nombre de voix requis pour les décisions relevant de l’article 1097 C.c.Q. |
10 janvier 2020 |
Voir Projet de loi 41 |
1099 |
Réduction des droits de vote |
10 janvier 2020 |
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1102 |
Décisions du syndicat sans effets |
10 janvier 2020 |
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1102.1 |
Remise du procès-verbal de l’assemblée aux copropriétaires dans les 30 jours de l’assemblée |
10 janvier 2020 |
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1103 |
Annulation ou modification des décisions de l’assemblée – délai de déchéance de l’action judiciaire |
10 janvier 2020 |
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1103.1 |
Procédure judiciaire pour débloquer un empêchement ou une opposition systématique à l’assemblée |
10 janvier 2020 |
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1104 |
Délai pour la convocation de l’assemblée de transition |
10 janvier 2020 |
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1106.1 |
Liste des documents que le promoteur doit fournir au syndicat – délai |
10 janvier 2020
Sauf les paragraphes 1, 2 et 6 qui ne sont pas encore entrés en vigueur |
Pour les paragraphes 1, 2 et 6, il faudra attendre que les Règlements soient édictés |
1785 |
Contrat préliminaire, note d’information |
10 janvier 2020 |
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1786 |
Contenu du contrat préliminaire |
10 janvier 2020 |
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1787 |
Note d’information |
10 janvier 2020 |
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1788 |
Contenu de la note d’information |
10 janvier 2020 |
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1791 |
Budget prévisionnel à remettre avec la note d’information
Remboursement par le promoteur de la différence entre son budget et les dépenses réelles de la copropriété |
Partiellement en vigueur au 10 janvier 2020 |
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1791.1 |
Protection des acomptes versés par les acheteurs aux promoteurs |
Partiellement en vigueur au 10 janvier 2020 |
Pour le dépôt dans un compte en fidéicommis, il faudra attendre que le Règlement soit édicté |
1793 |
Nullité de la vente et dommages intérêts – cas d’ouverture, conditions |
10 janvier 2020 |
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Projet de loi 41 sanctionné le 17 mars 2020 : Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions des discours sur le budget du 17 mars 2016, du 28 mars 2017, du 27 mars 2018 et du 21 mars 2019 (2020, Chapitre 5) « Loi 5 » |
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Article |
Objet |
Date d’entrée en vigueur |
Commentaires |
1070 alinéa 3 |
Description des parties privatives |
Prévoit que la description doit obtenir l’approbation de plus de la moitié des voix de tous les copropriétaires avant le 13 juin 2020 |
Dispositions transitoires (article 204)
Voir arrêté du 5 mai 2020 (2020-032) |
1073 |
Franchise déraisonnable |
Pas encore entré en vigueur |
En attente du Règlement qui édictera des cas plutôt que des critères de déraisonnabilité |
1074.2 |
Assurance – remboursement des franchises ou des sommes engagées par le syndicat pour la réparation du préjudice occasionné aux biens |
17 mars 2020 |
Amendement à l’article à la suite de l’interprétation faite par certains assureurs quant à la preuve d’une faute |
1097 (5ème) |
Ajout de la décision sur la modification de la description des parties privatives à l’article 1097 C.c.Q. |
17 mars 2020 |
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Règlement sur l’assurance des copropriétés du 15 avril 2020: Règlement établissant diverses mesures en matière d’assurance des copropriétés divises et modifiant le Règlement sur certaines mesures transitoires pour l’application de la loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières |
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Article |
Objet |
Date d’entrée en vigueur |
Commentaires |
1064.1 |
Montant minimal de l’assurance responsabilité des copropriétaires |
15 octobre 2020 |
Le montant minimal de l’assurance responsabilité que doit souscrire chacun des copropriétaires est de 1 000 000.00$ si l’immeuble comporte moins de 13 fractions utilisées ou pouvant être utilisées comme unité d’habitation ou pour l’exploitation d’une entreprise, et de 2 000 000.00$ si l’immeuble en comporte 13 ou plus |
1071.1 |
Fonds d’auto-assurance et détermination de la contribution minimale des copropriétaires au fonds |
15 avril 2022 |
Doit être constitué pour le 15 avril 2022 |
1073 |
Évaluation du coût de reconstruction – périodicité et réalisation par un membre en règle de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec |
15 avril 2021 |
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Liste des risques couverts de plein droit dans le contrat d’assurance du syndicat |
15 avril 2021 |
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Arrêté numéro 2020-029 de la ministre de la Santé et des Services sociaux en date du 26 avril 2020 |
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Permission de tenue d’assemblées et de réunions à distances |
26 avril 2020 |
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Arrêté numéro 2020-032 de la ministre de la Santé et des Services sociaux en date du 5 mai 2020 |
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Article 1070 alinéa 3 |
Description des parties privatives |
5 mai 2020 |
Permet l’adoption temporaire par le conseil d’administration, ratification à suivre par l’assemblée des copropriétaires. A modifié le nombre de voix à obtenir |
L’article 1074.2 modifié le 17 mars 2020
Depuis l’entrée en vigueur du PL-41 le 17 mars 2020, l’article 1074.2 C.c.Q. portant sur les assurances en copropriété se lit comme suit :
Article 1074.2 C.c.Q. : « Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute et, dans les cas prévus au présent code, le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’il a sous sa garde.
Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa. »
(la modification est celle en caractères gras)
Rappelons qu’en aucun temps il n’a été de l’intention du législateur de soustraire de la responsabilité civile des copropriétaires le préjudice causé au syndicat par leurs biens, indépendamment de la preuve d’une faute ou pas. Ces nouvelles dispositions, telles qu’interprétées par certains assureurs, ont engendré une situation intenable pour les syndicats de copropriété, situation qui a obligé le législateur à intervenir expressément afin de préciser et de clarifier ses intentions et le but recherché par l’adoption de l’article 1074.2 C.c.Q. en décembre 2018.
Malheureusement, il semble que malgré les correctifs apportés récemment, certains assureurs et experts en sinistre auraient comme politique de ne pas indemniser leurs assurés si la perte pour laquelle le syndicat leur fait une réclamation découle d’une défectuosité ou du bris d’un de leurs biens, étant plutôt d’avis que le syndicat devrait se tourner vers le vendeur ou le fabricant du bien appartenant au copropriétaire, et qui est installé dans son unité.
À mon avis une telle position est insoutenable dans le sens où le syndicat n’a aucun lien de droit avec le vendeur du bien du copropriétaire, ni avec le fabricant dudit bien. Par ailleurs, même si nous devions supposer, pour les fins des présentes, qu’un tel lien existe, cela obligerait le syndicat à devoir effectuer une expertise du bien en cause chaque fois qu’il se produit un sinistre, avec les coûts qui en découlent pour la collectivité des copropriétaires, et ce uniquement pour pouvoir démontrer s’il s’agit d’un bris, d’une défectuosité, d’un défaut de fabrication, ou plutôt d’un défaut ou d’une négligence du copropriétaire de faire l’entretien de mise sur le bien ou l’équipement.
Conséquemment, à défaut par le copropriétaire de rembourser lui-même le syndicat pour le montant de la franchise d’assurance ou le montant des travaux qui lui est réclamé, le syndicat sera dans l’obligation de prendre un recours judiciaire contre le copropriétaire qui devra, à son tour, appeler en garantie son vendeur et/ou le fabricant du bien.
D’un autre côté, certains autres assureurs acceptent d’indemniser le syndicat pour le préjudice causé par leurs assurés ou les biens de leurs assurés, mais uniquement si la perte s’est produite après le 17 mars 2020.
Bien qu’on puisse se réjouir que les précisions apportées par le législateur produisent leurs effets avec ceux-ci, il n’en demeure pas moins qu’à mon avis le législateur n’a pas voulu créer trois (3) sortes de copropriétés : celles ayant subi une perte avant le 13 décembre 2018, celles ayant subi une perte après le 17 mars 2020 et celles, malchanceuses, qui en ont subi une entre le 13 décembre 2018 et le 17 mars 2020.
Je suis d’avis que lorsque le législateur intervient à posteriori pour préciser ses intentions et le but qu’il recherchait par l’introduction de nouvelles dispositions, en raison de l’interprétation contraire qui en est faite de celles-ci, l’amendement du législateur (précisant ses intentions et la manière de les interpréter) devrait avoir une portée rétroactive à la date initiale d’adoption des nouvelles dispositions.
Et puis finalement, il y a l’(les) assureur(s) qui, à la suite de la modification du 17 mars 2020, a (ont) envoyé une communication à tous leurs assurés pour les informer qu’ils ne les indemniseraient plus, dorénavant, pour toute réclamation qui leur serait faite par leur syndicat en lien avec le remboursement de la franchise pour des dommages causés par leurs biens.
Souhaitons que le législateur intervienne de nouveau pour clarifier une fois pour toutes l’interprétation à donner à cet article.
Les fiches descriptives des parties privatives
Concernant les fiches descriptives des parties privatives, l’article 204 du projet de loi 41, tel qu’amendé, prévoyait ce qui suit :
« Le syndicat d’une copropriété divise établie avant le 13 juin 2018 qui n’est pas contrôlé par le promoteur doit soumettre pour approbation aux copropriétaires la première description des parties privatives prévue au troisième alinéa de l’article 1070 du Code civil.
Cette description doit, d’ici le 13 juin 2020, obtenir lors d’une assemblée l’approbation des copropriétaires, représentant plus de la moitié des voix des copropriétaires, présents ou représentés. »
(nos soulignés et caractères gras)
Au moment où la crise sanitaire s’est déclenchée en mars dernier, bon nombre de copropriétés avaient déjà adopté la 1ère description des parties privatives, ou elles s’apprêtaient à le faire au cours de leur assemblée générale annuelle qui devait avoir lieu dans les jours / semaines suivants. D’autres s’y préparaient, mais le processus n’était pas complété.
Vu l’état d’urgence, vu les mesures de distanciation et l’interdiction de rassemblements, le législateur a décidé, le 5 mai dernier, de permettre que ce soit le conseil d’administration du syndicat qui établisse la description des parties privatives, et que cette description soit réputée valide jusqu’à ce qu’elle soit entérinée ou modifiée à la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés lors de la première assemblée des copropriétaires qui sera tenue après cette décision. Le législateur a toutefois maintenu la date du 13 juin 2020 comme date limite pour ce faire.
Il est donc important de se souvenir d’ajouter ce sujet à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale des copropriétaires de votre syndicat.
Rappelons que si son adoption se fait suivant le nombre de voix prévu aux dispositions de l’article 1096, la modification postérieure de ces fiches requerra ensuite la majorité prévue à l’article 1097 C.c.Q.
La copropriété à l’ère du virtuel : médiation, arbitrage, services judiciaires, procès et assemblées virtuelles
La crise sanitaire que nous avons vécue a certainement ébranlé la plupart d’entre nous, que ce soit par l’intensité de la crise, ou l’ampleur de l’arrêt des activités, ou le nombre de personnes affectées, directement ou indirectement, sans oublier son ampleur sur nos ainés, qui ont particulièrement été atteints et qui ont passablement souffert à tous points de vue.
Cette crise sanitaire a également ébranlé nos institutions, nos façons de faire, nos méthodes. Elle a mis en évidence la désuétude de certains de nos services publics. L’appareil judiciaire n’a pas fait exception et l’Honorable ministre Sonia Lebel, désormais ancienne ministre de la justice, a forcé une accélération à vitesse grand V d’une réforme qui se faisait attendre ou qui trainait en longueur.
Dans cette période d’incertitude où le Québec fut en arrêt, il a fallu être créatifs, se réinventer, se réorganiser, mettre en place les mesures nécessaires afin que les syndicats de copropriété, les conseils d’administration et les copropriétaires du Québec, à titre de clients ou de justiciables, aient quand même accès aux services dont ils avaient besoin, quelquefois en urgence.
Et c’est avec cette volonté et avec la passion de notre domaine de pratique qui nous anime que certains arbitres et médiateurs spécialisés en copropriété ont investi les efforts nécessaires pour se former et s’outiller afin d’ajuster leur offre de services pour inclure la tenue d’arbitrages et de médiations à distance, par l’entremise de salles virtuelles confidentielles<![if !supportFootnotes]>[1]<![endif]>.
Ceux qui lisent mes chroniques ou me suivent sur les réseaux sociaux<![if !supportFootnotes]>[2]<![endif]> connaissent l’importance que j’accorde aux modes alternatifs de résolution des conflits, surtout dans le contexte qu’est la copropriété, où les individus qui la composent se côtoient quotidiennement, et devront continuer à le faire malgré leurs différends<![if !supportFootnotes]>[3]<![endif]>.
Le recours à la médiation et à l’arbitrage pour régler des conflits est déjà bien établi en copropriété. Depuis les dernières années, les déclarations de copropriété contiennent des dispositions prévoyant un recours obligatoire à la médiation et à l’arbitrage en cas de conflit, à l’exclusion des tribunaux. Et les juges sont de plus en plus enclins et portés à donner plein effet à ces clauses dites « compromissoires » lorsqu’un différend est, malgré tout, institué devant les tribunaux de droit commun.
Le recours à l’arbitre se prête très bien à presque toutes les situations, incluant celles visant à obtenir une décision ordonnant le respect d’une des dispositions de la déclaration de copropriété ou une déclaration sur l’interprétation à donner à une disposition. Il permet de débloquer des différends ou des situations conflictuelles ou d’interprétation qui risquent de paralyser la copropriété, ou encore son administration.
L’arbitrage est un processus similaire au processus judiciaire, mais de loin simplifié, plus rapide et moins coûteux que le recours judiciaire traditionnel.
Rappelons par ailleurs que pour les syndicats dont la déclaration est muette à ce sujet, le recours à la médiation et/ou à l’arbitrage peut toujours être convenu de façon consensuelle, si les parties y consentent au moment où le différend nait. Ces modes de résolution des différends me semblent plus que jamais à privilégier dans le contexte de crise que nous avons traversé, surtout qu’il est prévisible que les tribunaux seront plus que jamais sollicités lorsque les activités reprendront pour de bon.
Si certains d’entre avaient initialement quelques appréhensions, il s’avère dans les faits que ça se passe bien, même très bien, et que les participants, ainsi que leurs procureurs lorsqu’ils sont représentés, en sont plus que satisfaits. Les avantages sont indéniables : économie de temps, aucun déplacement, confort des lieux, climat convivial contribuant à la diminution du stress chez les parties et les témoins, diminution de la tension entre les parties, disponibilité accrue, réduction des coûts, réduction des délais et j’en passe : tous des points positifs qui permettent aux syndicats de copropriété et aux copropriétaires d’avoir accès à la justice de façon rapide et beaucoup moins onéreuse, que ce soit par une entente à l’aide d’un médiateur ou par l’obtention d’une décision d’un arbitre spécialisés dans le domaine de la copropriété.
Pour ce qui est des services judiciaires, ils ont été interrompus le 13 mars dernier, et depuis seules les affaires urgentes<![if !supportFootnotes]>[4]<![endif]> étaient entendues. Les délais de procédure civile, de prescription extinctive et de déchéance sont suspendus depuis le 13 mars 2020 par l’arrêté 2020-4251 de la ministre de Justice et de la juge en chef du Québec.
Depuis le début juin, les services judiciaires reprennent graduellement dans les palais de justice, mais autrement. Le système judiciaire ne fait pas exception à cette modernisation nécessaire et il a emboité le pas dans la même direction : plusieurs salles virtuelles ont été ouvertes, les procès se déroulent de façon virtuelle et quelquefois mixte (quelques personnes présentes et les autres par visio-conférence), le greffe numérique de la Cour Supérieure et de la Cour du Québec a été mis sur pied, nous permettant ainsi de désormais déposer les procédures judiciaires par voie de courriel, sans avoir à se déplacer, plusieurs requêtes sont présentables et débattues par voie téléphonique ou par visio-conférence… bref, ces avancées technologiques du système judiciaire auront des impacts positifs concrets pour les syndicats de copropriété et les copropriétaires qui pour une raison ou une autre, ne pourraient se prévaloir de la médiation ou de l’arbitrage, et n’auraient d’autre choix que de recourir aux tribunaux traditionnels.
Le seul écueil restant pour que la copropriété québécoise puisse fonctionner à l’ère numérique était jusqu’à récemment la convocation et la tenue des assemblées de copropriétaires. En effet, vu les mesures de distanciation et l’interdiction de rassemblements, il était impossible de penser pouvoir tenir une assemblée en présence les uns des autres.
Afin de palier à cet écueil, le 26 avril 2020, par arrêté numéro 2020-029 de la Ministre de la Santé et des services sociaux, le législateur permettait que les assemblées générales annuelles ou extraordinaires des syndicats de copropriété puissent être tenues à distance, de façon virtuelle, à l’aide d’un moyen permettant à tous les membres de communiquer immédiatement entre eux.
Cette mesure, mise en place à la fin d’avril dernier, bien que supposée être temporaire, aura permis, depuis, le développement et la mise en marché de programmes et de logiciels spécialisés pour les assemblées de copropriétaires, respectueux des considérations et exigences légales propres à la copropriété québécoise. Et une fois de plus, inévitablement, on ne peut que constater l’économie de temps, d’argent, de déplacement et d’inconvénients divers que permet une telle façon de procéder aux assemblées : les copropriétaires peuvent se connecter de partout au monde, de la façon et par le moyen technologique qui leur convient le mieux, sans avoir à se déplacer, sans devoir donner de procuration, sans devoir prendre de dispositions particulières pour pouvoir être présents afin de participer à la vie démocratique de leur copropriété.
Personnellement, j’ose espérer que cette ouverture du législateur est là pour rester définitivement, que ce ne soit qu’un début et que cette possibilité demeure, telle quelle ou en mode mixte, c’est-à-dire en permettant à ceux qui le désirent d’être présents sur place et aux autres de participer par voie virtuelle. Gageons que ça permettrait notamment de remédier au problème d’absence de quorum suffisant que rencontrent régulièrement certains syndicats de copropriété, avec les coûts qui découlent des ajournements requis.
Comme je le mentionnais dans ma chronique du printemps dernier, il y aura un avant et un après Covid-19. Les choses ne seront plus jamais vraiment pareilles : des structures se sont mises en place, les bureaux et entreprises ont équipé leur personnel et se sont dotés de l’infrastructure nécessaire pour permettre la connexion et le travail à distance, le télétravail aura pris de l’importance, beaucoup d’entre nous auront réalisé les bénéfices de pouvoir travailler à distance 1-2 jours par semaine, possiblement aurons-nous pris conscience des impacts humains et environnementaux des innombrables heures passées dans la circulation, des entreprises s’interrogeront sur la nécessité d’occuper et de payer pour des bureaux d’une superficie impressionnante, peut-être pas tant essentielle. Je nous souhaite, en tant que société, que ce que nous avons appris et les moyens et avancées que nous avons mis en place au cours des derniers mois soient là pour rester, pour nous permettre d’améliorer notre quotidien et notre qualité de vie.
Sur ce, chers lecteurs, chères lectrices, il ne me reste qu’à vous souhaiter de passer un très bel été. Prenez soin de vous, de vos familles, de vos êtres chers. C’est l’essentiel. Bon été et à très bientôt!
[1] Les médiateurs et arbitres offrant de tels services à distance sont regroupés sur le site mediationetarbitrageencopropriete.ca
[2] Page LinkedIn de Me Stefania Chianetta et page Facebook de Chianetta Avocats
[3] Sur ce sujet, voir les éditions de l’automne 2017 et automne 2014
[4] Et on parle d’urgence réelle et objective.
Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.
Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée (IMAQ)
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