Obligation d’assurance, gestion des sinistres et recouvrement des franchises: droits et obligations du syndicat
Revue CopropriétéPLUS, Hiver 2021
Au moment d’écrire ces lignes, l’année 2020 tire à sa fin… Enfin! Quelle année!
Au moment d’écrire ces lignes, j’ai pensé à tous ceux d’entre vous qui, au cours de la dernière année, avez communiqué avec moi pour obtenir des informations ou des explications sur l’assurance en copropriété, pour se faire aider alors qu’un sinistre venait d’arriver, pour se faire guider à travers le dédale des réclamations et des dispositions de la loi. Je ne compte plus les courriels et les appels reçus. Le sujet s’est imposé de lui-même.
Faisons d’abord un bref résumé de la situation, histoire de se remettre dans le contexte.
Depuis la désormais célèbre date du 13 décembre 2018, date à laquelle le Projet de loi 141[1] entrait en vigueur, l’article 1074.2 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») a fait couler beaucoup d’encre. Cet article a suscité de nombreuses questions, autant des syndicats de copropriété que des copropriétaires, et a généré un nombre important d’appels, autant à notre cabinet qu’auprès des cabinets de nos collègues en droit de la copropriété. Il a enflammé les passions et fut même le déclencheur d’une pétition démarrée et mise en ligne par un regroupement d’intervenants spécialisés du milieu.
Parce qu’il faut se le dire : l’article 1074.2 C.c.Q. a bousculé des pratiques et des usages bien établis en copropriété, un modus operandi et des façons de faire qui, quoi que l’on puisse dire ou penser, fonctionnaient et étaient certainement plus justes et équitables que ce qui se fait depuis.
Nous nous rappellerons que dans sa première version, l’article 1074.2 C.c.Q. se lisait comme suit :
Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute.
Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa. » [Nos soulignés]
A compter du 13 décembre 2018, l’interprétation et l’application extrêmement restrictive qui fut faite par les assureurs des copropriétaires de cette nouvelle disposition fit en sorte que toutes les réclamations des syndicats de copropriété pour le remboursement d’une franchise d’assurance ou le remboursement des sommes engagées pour la réparation du préjudice occasionné aux biens[2] furent systématiquement refusées, à moins que le syndicat soit en mesure de faire la preuve d’une « faute » de leur assuré, le copropriétaire.
Il va sans dire que cet amendement, et surtout l’interprétation qui en fut faite par les assureurs fut lourde de conséquences financières pour les syndicats, lesquels se voyaient tout à coup pris à devoir engager des sommes pour qu’un expert puisse déterminer la cause et l’origine exacte du sinistre et ultimement, l’implication et la responsabilité du copropriétaire.
Le refus des assureurs étant devenu systématique, la grogne commençait sérieusement à se faire sentir dans les copropriétés québécoises, les uns ne voulant pas payer pour la négligence d’un autre ou les conséquences fâcheuses découlant d’un de ses biens.
La réalité étant ce qu’elle est, quelques mois à peine après l’entrée en vigueur de cet article, certains syndicats en étaient déjà rendus à leur 2ème, voire leur 3ème sinistre, avec une franchise d’assurance de 25 000.00$ ou 50 000.00$, ce qui signifie que ces syndicats [lire tous les copropriétaires] se sont trouvés dans l’obligation d’assumer 50 000.00$, 75 000.00$, 100 000.00$, pour des franchises d’assurance qui, avant le 13 décembre 2018, auraient été assumées par les copropriétaires responsables ou leurs propres assureurs.
Pendant que le syndicat se perd dans les explications et les dédales avec le copropriétaire responsable et son assureur, il doit s’occuper de faire exécuter les travaux de réparation du bien. Il n’a pas le choix, les dispositions du nouvel article 1074.1 C.c.Q. le lui imposent. Nous y revenons sous peu.
Il est indéniable que les dégâts d’eau constituent le risque le plus fréquent pour les assureurs. En copropriété, ce risque est multiplié par le nombre de copropriétaires. Les dégâts d’eau sont quelquefois difficiles à déceler et leur origine tout autant car l’eau chemine le long des matériaux et se glisse là où elle peut passer. Les causes des dégâts d’eau que nous rencontrons le plus fréquemment en pratique sont :
· Calfeutrage vétuste, inefficace ou défectueux des fenêtres;
· Étanchéité déficiente des ouvertures de l’immeuble (fenêtres et portes-patio), des parements ou de la toiture de l’immeuble;
· Débordement et/ou rupture des conduits et/ou canalisations (plomberie) de l’immeuble (communes ou privatives);
· Refoulement d’égouts ou égouts bouchés;
· Lave-vaisselle, machine à laver mal branchées;
· Bain, douche, lavabo ou toilette qui déborde;
· Speedways défectueux;
· Tuyaux ou boyaux d’arrivée d’eau qui ont cédé ou qui sont mal installés, dont ceux des distributeurs à glaçons des congélateurs;
· Joints d’étanchéité défectueux au pourtour des installations sanitaires (douche, bain, cuvette de toilette, bidet, lavabo)
· Oubli ou négligence d’un copropriétaire (fenêtre ou robinet pas fermé, chasse d’eau de la toilette non réparée, accrochage d’un gicleur pendant des travaux, température trop basse pendant absence causant gel des tuyaux) etc.
Il est utile de se rappeler qu’en copropriété coexistent deux assurances : celle souscrite par le syndicat et celle souscrite par chacun des copropriétaires.
L’assurance à laquelle doit obligatoirement[3] souscrire le copropriétaire doit couvrir les situations suivantes :
Ø Dommages aux améliorations apportées par les copropriétaires dans l’unité;
Ø Dommages aux biens meubles, effets mobiliers et effets personnels;
Ø Perte de jouissance de l’unité en cas de sinistre, frais de relocalisation, frais d’entreposage et de manutention de leurs biens.
Ø Responsabilité civile d’un minimum d’un[4] ou deux[5] millions. C’est cette couverture qui sera mise en œuvre au moment d’une réclamation pour le remboursement de la franchise d’assurance du syndicat;
Ø Insuffisance d’assurance du syndicat[6].
Vous conviendrez avec moi qu’étrangement, alors que le législateur en 2018 avait déjà dans ses cartons l’obligation qui serait faite aux copropriétaires de s’assurer, ce qui procurerait notamment une sécurité, pour le syndicat, de pouvoir se faire rembourser ses franchises d’assurance par des copropriétaires dûment assurés, parallèlement il mettait en vigueur l’article 1074.2 C.c.Q. qui écarterait dorénavant les dispositions de responsabilité légale ou contractuelle prévues dans les déclarations de copropriété, ce qui par le fait même enlèverait tout le bénéfice des nouvelles dispositions à venir en matière d’obligation d’assurance par le copropriétaire.
Bref, la situation était rendue à ce point tendue et la grogne à ce point tangible, que le législateur fut saisi de la situation. Et c’est ainsi que le 17 mars 2020, à la suite de l’entrée en vigueur du PL-41, le législateur est intervenu afin de préciser ses intentions et de clarifier sa pensée sur cet article. Depuis cette date, l’article 1074.2 C.c.Q. se lit comme suit :
« Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute et, dans les cas prévus au présent code, le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’il a sous sa garde.
Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa. »
(La modification est celle en caractères gras. Les soulignés sont les nôtres)
Est-ce que cette modification a réglé la situation? A-t-elle rétabli les usages et la pratique qui prévalaient avant le 13 décembre 2018? La réponse est malheureusement négative, si ce n’est une certaine amélioration en ce qui concerne les pertes causées par les biens du copropriétaire.
Cette mise en contexte étant faite, où en sommes-nous au moment d’écrire ces lignes? Quelles sont les obligations du syndicat? Quels sont ses droits lorsque survient un sinistre?
Je crois utile de rappeler les dispositions pertinentes afin de pouvoir aisément s’y référer.
L’article 1073 C.c.Q., concernant « l’intérêt assurable » du syndicat, prévoit ce qui suit :
« Le syndicat a un intérêt assurable dans tout l’immeuble, y compris les parties privatives. Il doit souscrire des assurances contre les risques usuels, tels le vol et l’incendie, couvrant la totalité de l’immeuble, à l’exclusion des améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie. Le montant de l’assurance souscrite correspond à la valeur à neuf de l’immeuble.
Il doit aussi souscrire une assurance couvrant sa responsabilité envers les tiers. »
C’est donc le syndicat qui doit souscrire une assurance pour les parties communes et privatives, exception faite des améliorations aux parties privatives, lesquelles depuis le 13 juin 2020, devraient être clairement identifiables grâce aux fiches descriptives que l’assemblée des copropriétaires aura approuvées.
Article 1074 C.c.Q. [Inopposabilité]:
« La violation d’une des conditions du contrat d’assurance par un copropriétaire n’est pas opposable au syndicat. »
Article 1074.1 C.c..Q. [Sinistre]:
« Lorsque survient un sinistre mettant en jeu la garantie prévue par un contrat d’assurance de biens souscrit par le syndicat et que celui-ci décide de ne pas se prévaloir de cette assurance, il doit avec diligence voir à la réparation des dommages causés aux biens assurés.
[Immunité] Le syndicat qui ne se prévaut pas d’une assurance ne peut poursuivre les personnes suivantes pour les dommages pour lesquels, autrement, il aurait été indemnisé par cette assurance :
10 Un copropriétaire;
20 Une personne qui fait partie de la maison d’un copropriétaire;
30 Une personne à l’égard de laquelle le syndicat est tenu de souscrire une assurance en couvrant la responsabilité. »
Article 1074.2 C.c.Q. [Recouvrement]:
« Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute et, dans les cas prévus au présent code, le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’il a sous sa garde.
[Nullité] Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa. »
Article 1074.3 C.c.Q. [Priorité]:
« Lorsque des assurances contre les mêmes risques et couvrant les mêmes biens ont été souscrites séparément par le syndicat et un copropriétaire, celles souscrites par le syndicat constituent des assurances en première ligne. »
Article 1075 C.c.Q. [Versement de l’indemnité d’assurance]:
« L’indemnité due au syndicat à la suite d’une perte importante est, malgré l’article 2949, versée au fiduciaire nommé dans l’acte constitutif de copropriété ou, à défaut, à un fiduciaire que le syndicat doit alors désigner sans délai.
[…]. »
Article 1075.1 C.c.Q. [Subrogation]:
« Un assureur ne peut, malgré l’article 2474, être subrogé dans les droits de l’une des personnes suivantes à l’encontre d’une autre de celles-ci :
10 Le syndicat;
20 Un copropriétaire;
30 Une personne qui fait partie de la maison d’un copropriétaire;
40 Une personne à l’égard de laquelle le syndicat est tenu de souscrire une assurance en couvrant la responsabilité;
[Exception] Il est fait exception à cette règle lorsqu’il s’agit d’un préjudice corporel ou moral ou que le préjudice est dû à une faute intentionnelle ou à une faute lourde. »
Article 2470 C.c.Q. [Déclaration de sinistre] :
« L’assuré doit déclarer à l’assureur tout sinistre de nature à mettre en jeu la garantie, dès qu’il en a eu connaissance. Tout intéressé peut faire cette déclaration.
Lorsque l’assureur n’a pas été ainsi informé et qu’il en a subi un préjudice, il est admis à invoquer, contre l’assuré, toute clause de la police qui prévoit la déchéance du droit à l’indemnisation dans un tel cas. »
La déclaration de sinistre est obligatoire, peu importe que le syndicat décide de réclamer ou non par la suite, et peu importe si les dommages sont négligeables ou plus importants. La seule condition est que les dommages soient couverts par la police d’assurance.
L’article 2470 C.c.Q. est important et cette obligation a toujours existé. Vous ignorez les conséquences qu’un sinistre, même d’apparence minime, peut engendrer avec le temps. Aucun syndicat ne veut se retrouver dans une situation où son assureur refuserait de l’indemniser faute d’avoir dénoncé une situation antérieure qui, par malheur, a contribué au sinistre en cours. Dans un tel cas, il est fort à parier que la responsabilité civile du syndicat et celle des administrateurs alors en poste pourraient être mises à risque.
La déclaration de sinistre doit se faire le plus tôt possible dès la connaissance du sinistre, en suivant les indications contenues à votre contrat d’assurance (mode et modalités de déclaration, coordonnées, délais etc.).
La déclaration de sinistre à l’assureur devrait toujours se faire par écrit, avec preuve d’envoi et de réception. Ainsi, même si vous avez procédé à une déclaration par téléphone afin que votre assureur mette immédiatement en place les interventions d’urgence nécessaires, une déclaration écrite devrait suivre dans les plus brefs délais.
Ne pas déclarer un sinistre à son assureur, tout comme faire une déclaration mensongère ou erronée, pourrait entrainer des conséquences très graves pour un syndicat, pouvant aller jusqu’au refus complet de l’assureur de vous indemniser pour les dommages subis.[7] Vous ne souhaitez pas ça.
Le copropriétaire d’où origine le sinistre, ainsi que tous ceux affectés par le sinistre, et leurs locataires ou occupants, doivent également déclarer le sinistre auprès de leurs assureurs personnels respectifs, pour les mêmes motifs. Il se peut effectivement que ces assureurs aient à indemniser leurs assurés, notamment pour des frais de relocalisation, pour la gestion du contenu de l’unité et l’entreposage des biens, ou encore pour leur responsabilité civile.
Une fois que la déclaration de sinistre est faite, divers intervenants entreront en jeu : l’assureur du syndicat désignera son expert en sinistre, celui du copropriétaire d’où émane le sinistre en fera de même, tout comme ceux des copropriétaires affectés, ceux des locataires / occupants de l’unité etc. Il y aura autant d’assureurs au dossier qu’il y aura de parties impliquées.
Indépendamment que le sinistre occasionne des dommages aux parties communes ou aux parties privatives, et peu importe que le sinistre émane d’une partie commune ou privative, c’est le syndicat et son assureur qui devront prendre charge du sinistre, des dommages subis par les copropriétaires et de la réclamation à son assureur, autant pour les parties communes que privatives, puisque tel que mentionné ci-dessus, le syndicat doit souscrire une assurance pour couvrir les parties communes et privatives (sauf les améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie privative).
Une stricte et étroite collaboration du syndicat avec l’expert en sinistres mandaté par son assureur est essentielle. C’est l’expert en sinistres qui communiquera avec son assuré afin de le guider tout au long du processus de réclamation. C’est l’expert en sinistres qui estimera le montant des dommages et qui négociera son règlement. Ainsi, lorsque l’expert en sinistres demande des informations ou la transmission de documents (par exemple la déclaration de copropriété), il est dans l’intérêt du syndicat de donner suite à sa demande rapidement.
Une fois que l’expert en sinistres du syndicat aura terminé son travail et que son estimation des dommages aura été faite, le syndicat sera en mesure de prendre une décision éclairée quant au dépôt d’une réclamation à son assureur.
Je vous rappelle en effet que depuis le 13 décembre 2018, le premier alinéa de l’article 1074.1 C.c.Q. prévoit la possibilité, pour un syndicat, de ne pas réclamer à son assureur un dommage affectant l’immeuble. Ce libre choix laissé aux syndicats pourrait éventuellement permettre d’éviter une augmentation des primes et des franchises d’assurance. Néanmoins, avant de prendre une telle décision, il est important de déclarer le sinistre, de faire évaluer les dommages et les coûts de réfection et de remise en état des lieux affectés (parties communes et privatives) et de vérifier auprès de votre courtier et/ou de votre agent en assurance de dommages s’il est avantageux de ne pas réclamer et quels seraient les impacts d’une telle éventuelle réclamation.
Si le syndicat décide de ne pas réclamer d’indemnité à son assureur :
Ø Il devient en quelque sorte son propre assureur;
Ø L’article 1074.1 C.c.Q. prévoit que le syndicat doit alors, avec diligence, voir à la réparation des dommages causés aux biens assurés, c’est-à-dire faire exécuter les travaux de réfection et de remise en état des parties communes et des parties privatives[8], incluant celle d’où origine le sinistre et peu importe qu’il y ait responsabilité ou pas du propriétaire de l’unité d’où origine le sinistre, ou de son locataire ou de son occupant;
Ø Il devra assumer la totalité de la facture des travaux, exception faite des coûts découlant de la gestion et du déplacement des biens dans les unités et de la relocalisation des copropriétaires et/ou de leurs locataires / occupants, lesquels sont assumés par leurs propres assureurs;
Ø Il ne pourra en aucun cas réclamer de remboursement[9] au copropriétaire d’où origine le sinistre, ni à une personne qui fait partie de la maison dudit copropriétaire, et ce même s’il était démontré que ce(s) dernier(s) a (ont) commis une faute.
Si le syndicat fait une réclamation d’assurance à son assureur :
Ø L’assureur confiera les mandats nécessaires à un (des) entrepreneur(s) en vue de l’exécution des travaux de réfection et de remise en état des parties privatives et communes affectées par le sinistre. Il est également possible pour le syndicat de choisir son (ses) propre(s) entrepreneur(s). Il faudra toutefois s’assurer, préalablement à la signature du contrat avec l’(les) entrepreneur(s), que son (leur) devis soit (soient) accepté(s) par l’assureur;
Ø L’assureur indemnisera son assuré (le syndicat) pour le montant des dommages découlant du sinistre (ou paiera l’entrepreneur qu’il aurait lui-même mandaté), exception faite de la franchise d’assurance applicable, laquelle devra être assumée par le syndicat;
Ø L’article 1074.2 C.c.Q. prévoit que le paiement des franchises ne pourra être recouvré des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, c’est-à-dire suivant les valeurs relatives de chaque fraction, telles que prévues à la déclaration de copropriété;
Ø Le syndicat est cependant alors autorisé à réclamer des dommages-intérêts au copropriétaire tenu de réparer le préjudice qui A) serait causé par sa faute et, B) dans les cas prévus au Code civil du Québec, le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou C) par le fait d’un bien qu’il a sous sa garde.
Voyons ces trois situations de plus près.
A) Le préjudice causé par la faute du copropriétaire :
Si les circonstances démontrent de façon non-équivoque une faute du copropriétaire dans la survenance du sinistre, le syndicat pourra réclamer à ce dernier le remboursement de la franchise d’assurance ou, si le coût des travaux est inférieur au montant de la franchise, le coût desdits travaux.
Le copropriétaire ayant commis une faute transmettra la réclamation du syndicat à son assureur. Si la faute dans ce premier scénario est non équivoque et facilement démontrable, l’assureur du copropriétaire devrait en principe indemniser le syndicat en lieu et place de son assuré.
Dans le cas contraire, il y a fort à parier que l’assureur refusera de vous indemniser et qu’il vous demandera de faire la preuve de la faute de son assuré. Je porte à votre attention qu’il sera difficile de faire la preuve d’une faute du copropriétaire si l’unité est louée ou autrement occupée par un tiers.
B) Dans les cas prévus au Code civil du Québec, le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne :
La question qui se pose, en l’occurrence, est : quels sont les cas prévus au Code civil?
Pour répondre à cette question, il faut se référer au chapitre portant sur la « Responsabilité civile », et plus particulièrement à la section portant sur le fait ou la faute d’autrui, à savoir les articles 1459 et suivants.
Les cas prévus sont les suivants :
Ø Le titulaire de l’autorité parentale (art. 1459);
Ø Le gardien (d’un mineur) (art. 1460);
Ø Tuteur, curateur (garde d’un majeur non doué de raison) mais uniquement si le tuteur ou curateur a commis une faute intentionnelle ou lourde dans l’exercice de la garde du majeur non doué de raison (art. 1461);
Ø Commettant pour les fautes de ses préposés (art. 1463);
Ø Préposé de l’État (art. 1464).
Convenons ensemble qu’il sera assez rare, en pratique, de rencontrer de tels cas en copropriété. Je ne m’y attarderai donc pas.
Je vous souligne toutefois que le locataire ou l’occupant d’une unité n’est pas prévu à ces articles. Conséquemment, il sera plus ardu de réclamer le remboursement de la franchise d’assurance à un copropriétaire lorsque l’unité sera louée ou occupée par un tiers, puisque si la preuve d’une faute est requise, vraisemblablement le syndicat ne sera pas en mesure d’en faire la preuve.
La plupart des déclarations de copropriété contiennent des dispositions qui prévoient la responsabilité du copropriétaire pour les dommages causés par son locataire. Or, je vous rappelle que l’article 1074.2 C.c.Q. précise que de telles clauses de la déclaration de copropriété sont réputées nulles.
C) Par le fait d’un bien qu’il a sous sa garde
Le législateur réfère ici aux articles 1465 et suivants C.c.Q., dans la section intitulée « Du fait des biens ».
L’article 1465 C.c.Q. prévoit que le gardien d’un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu’il prouve n’avoir commis aucune faute.
C’est donc dire que le syndicat qui réclamera des dommages-intérêts [lire franchise d’assurance ou coût des travaux de réfection] au copropriétaire dont un des biens a causé le sinistre, jouit d’une présomption de faute en sa faveur. Il incombera donc au copropriétaire présumé fautif de renverser cette présomption, en faisant la preuve, par prépondérance, qu’il a été diligent dans la garde de son bien, ce qui inclut notamment l’entretien régulier et sa maintenance, sa surveillance, sa réparation et j’en passe. Autrement dit, le copropriétaire devra dans ce cas prouver qu’il a apporté le soin requis à l’entretien et la conservation de son bien, avec la diligence nécessaire.
Si le copropriétaire n’est pas en mesure de faire une telle preuve, la faute sera présumée et le syndicat aura droit aux dommages-intérêts réclamés.
Si le copropriétaire réussit à surmonter son fardeau de preuve, la présomption sera renversée et il incombera alors au syndicat de faire la preuve de la faute du copropriétaire dans la garde et l’entretien de son bien.
Toujours dans la section du fait des biens, nous retrouvons aussi des articles concernant le fait des animaux, la responsabilité du fabricant et celle du distributeur du bien.
En ce qui concerne les animaux, l’article 1466 C.c.Q. prévoit que « Le propriétaire d’un animal est tenu de réparer le préjudice que l’animal a causé, soit qu’il fut sous sa garde ou celle d’un tiers, soit qu’il fut égaré ou échappé. La personne qui se sert de l’animal en est aussi, pendant ce temps, responsable avec le propriétaire. »
Pour ce qui est du fabricant et du distributeur, l’article 1487 C.c.Q. se lit comme suit :
« Le fabricant d’un bien meuble, même si ce bien est incorporé à un immeuble ou y est placé pour le service ou l’exploitation de celui-ci, est tenu de réparer le préjudice causé à un tiers par le défaut de sécurité du bien.
Il en est de même pour la personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et pour tout fournisseur du bien, qu’il soit grossiste ou détaillant, ou qu’il soit ou non l’importateur du bien. »
L’article 1469 C.c.Q. définit le défaut de sécurité du bien de la façon suivante :
« Il y a défaut de sécurité du bien lorsque, compte tenu de toutes les circonstances, le bien n’offre pas la sécurité à laquelle on est normalement en droit de s’attendre, notamment en raison d’un vice de conception ou de fabrication du bien, d’une mauvaise conservation ou présentation d’un bien ou, encore, de l’absence d’indications suffisantes quant aux risques et dangers qu’il comporte ou quant aux moyens de s’en prémunir. »
Vous aurez compris qu’il sera beaucoup plus ardu qu’avant décembre 2018 de se faire indemniser pour des dommages causés par un lave-vaisselle ou une laveuse d’une unité occupée par un locataire, même si le bien appartient au propriétaire. En effet, le bien ne serait pas sous la garde et le contrôle du copropriétaire, mais bien sous celle du locataire.
Vous aurez également compris qu’il sera beaucoup plus difficile de se faire indemniser pour des dommages causés par une laveuse à vaisselle mal installée par le plombier du copropriétaire, par exemple, ou un nouvel appareil non fonctionnel, et ce même si le copropriétaire occupe l’unité. En effet, il y a fort à parier que l’assureur du copropriétaire refuse de vous indemniser au motif que le copropriétaire n’a commis aucune faute, bien au contraire, il a fait appel à un plombier ou à un entrepreneur pour le branchement ou, dans le cas d’un appareil neuf ayant causé un dommage, en prétextant que le copropriétaire n’avait pas à l’entretenir car il était neuf.
Est-ce que les syndicats de copropriété se verront obligés de poursuivre le fabricant du réfrigérateur de M. ABC, l’installateur du lave-vaisselle de Mme XYZ, le locataire ou l’occupant de M. et Mme DEF pour être indemnisés pour les franchises d’assurance? Je n’ai pas de réponse à ces questions. C’est à suivre, nos tribunaux rendront certainement des décisions à ce sujet dans les prochains mois et années.
Malheureusement depuis décembre 2018, il ne se passe pas une semaine sans que nous ayons de nouveaux dossiers de réclamation de franchise d’assurance. L’intervention, au dossier, du conseiller juridique du syndicat fait quelquefois toute la différence, ou du moins suscite des échanges et une négociation à un niveau supérieur à l’expert en sinistres.
Malheureusement, force est de constater que le régime de « no fault », si je peux m’exprimer ainsi, qui était celui qu’on retrouvait en pratique en copropriété jusqu’en décembre 2018, semble terminé.
Par son amendement, et malgré une légère amélioration de la situation avec les précisions apportées en mars 2020, le législateur semble avoir mis les syndicats de copropriété sur le même pied que tous les autres justiciables : il leur faut maintenant prouver une faute, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage allégués. Du moins c’est l’interprétation que les assureurs des copropriétaires en font.
Dans ces circonstances, la question qui inévitablement se pose est pourquoi un copropriétaire doit-il maintenant s’assurer sachant que son assureur refusera d’emblée toute demande d’indemnisation de la part du syndicat? Il paie une assurance responsabilité pour quoi? Je vous laisse y réfléchir.
Chers lecteurs, chères lectrices, en ce temps des Fêtes qui s’annonce plutôt tranquille, je vous souhaite beaucoup de bonheur, d’amour et de santé, beaucoup de santé, mais aussi et surtout une année 2021 plus agréable et espérons-le, moins turbulente. Prenez bien soin de vous et on se retrouve l’an prochain !!!
[1] « Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières »
[2] Lorsque le montant de la perte est inférieur à celui de la franchise d’assurance.
[3] Article 1064.1 C.c.Q., entré en vigueur le 15 octobre 2020
[4] Si l’immeuble compte moins de 13 parties privatives
[5] Si l’immeuble compte 13 parties privatives ou plus
[6] Facultatif, mais un avenant tellement utile et peu dispendieux
[7] Sans compter les effets d’une telle inscription sur le dossier d’assurabilité du syndicat.
[8] Sauf pour les améliorations apportées à la partie privative.
[9] Que ce soit la franchise d’assurance ou les coûts des travaux de réfection advenant qu’ils soient inférieurs à la franchise d’assurance.
Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.
Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée spécialisée en droit de la copropriété (IMAQ)
Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Téléphone : 514-281-5100 - Télécopieur: 514-788-0975
@Chianetta Avocats 2020 - Tous droits réservés