VENTE D’UN CONDO : L’ATTESTATION DU SYNDICAT ET LES DOCUMENTS ET INFORMATIONS DESTINÉS AUX PROMETTANTS-ACHETEURS
Revue CopropriétéPLUS, Été 2021
Parmi les nouvelles obligations qui ont fait leur apparition dans le Code civil du Québec et dans le paysage de la copropriété à la suite de l’entrée en vigueur du Projet de Loi 16, il y a les articles 1068.1 et 1068.2 qui concernent les documents et informations que tout promettant-acheteur d’une fraction de copropriété est en droit de demander à son vendeur ou, pour certaines de ces informations, directement au syndicat.
Au moment d’écrire ces lignes, l’article 1068.1 C.c.Q. n’est pas encore entré en vigueur. Il le sera lorsque le premier règlement aura été édicté par le législateur. Nous y reviendrons ci-dessous.
L’article 1068.2 C.c.Q. est en vigueur depuis le 10 janvier 2020. Cet article prévoit ce qui suit :
« Celui qui promet d’acheter une fraction peut demander au syndicat qu’il lui fournisse les documents ou renseignements concernant l’immeuble et le syndicat qui sont de nature à lui permettre de donner un consentement éclairé. Le syndicat est tenu, sous réserve des dispositions relatives à la protection de la vie privée, de les fournir avec diligence au promettant acheteur, aux frais de celui-ci.
Le syndicat doit transmettre au propriétaire de la fraction ou à ses ayants cause les documents ou renseignements qu’il a fournis au promettant acheteur. » (les soulignés sont les nôtres)
Notons tout d’abord que si une telle demande est faite, elle doit être adressée au syndicat.
Remarquons également que la demande peut concerner autant des documents que des renseignements et que ceux-ci peuvent porter autant sur l’immeuble que sur le syndicat. Bref, tout document ou renseignement portant sur le bâti et/ou sur la copropriété, qui permettra au promettant-acheteur de prendre une décision éclairée, devra être divulgué.
On décèle à la lecture de cette disposition un souci de transparence dans l’intention du législateur. Visiblement, ce dernier a souhaité que les promettants acheteurs disposent d’une information suffisante et de qualité qu’ils pourront apprécier avant de prendre une décision et de procéder à l’acquisition d’un bien si important.
Si l’intention est louable, cette nouvelle obligation suspensive pour le promettant-acheteur n’est pas sans créer un malaise au sein des conseils d’administration. Elle entraine une certaine appréhension quant aux conséquences qui pourraient découler d’une divulgation incomplète ou insuffisante, ou de celle trop abondante, voire d’une divulgation erronée, pour la responsabilité du syndicat ou de celle des membres du conseil d’administration.
Ces appréhensions sont légitimes et c’est pourquoi nous sommes d’opinion que toute communication d’information ou de documents devrait se faire par écrit, en mettant en copie le copropriétaire en titre de l’unité (le vendeur). Ceci devrait être fait en même temps et non par après. D’une part, cela évite des malentendus et des quiproquos et, d’autre part, le vendeur saura avec précision ce qui a été divulgué à son promettant-acheteur, ce qui lui permettra d’intervenir et d’agir avec diligence et en toute connaissance de cause advenant que son co-contractant lui manifeste son intention de se soustraire à sa promesse d’achat.
Dans ce même esprit, nous recommandons également aux syndicats de référer le plus possible à des documents que l’on pourrait qualifier de neutres ou objectifs dans leur réponse. On pense notamment aux états financiers, au budget, à l’étude du fonds de prévoyance, au rapport d’état d’immeuble, au carnet d’entretien, aux rapports d’expertise, au rapport d’évaluation de l’immeuble, au rapport sur la sécurité des façades et des stationnements étagés (Loi 122) et nous en passons. Il faut résister à la tentation d’expliquer ou d’interpréter le contenu de ces documents : la divulgation ne requiert pas ça. Laissez plutôt le promettant-acheteur se faire expliquer ces documents par ses propres professionnels : la responsabilité du syndicat ne s’en portera que mieux.
Puisque cette obligation de remettre des documents du syndicat s’ajoute à celle prévue à l’article 1070 C.c.Q. concernant la remise de copies des documents du registre de la copropriété aux copropriétaires moyennant des frais raisonnables, afin de se faciliter la tâche, le syndicat serait bien avisé, si ce n’est déjà fait, d’avoir un registre sous forme numérique. Ceci lui permettra de transmettre rapidement les documents, sans nécessité de se déplacer pour en reproduire de copies, sans les coûts afférents aux photocopies, déplacement, frais de stationnement etc. Un clic est le tour est joué.
Finalement, puisque ces documents et renseignements doivent être fournis aux frais du promettant-acheteur, rien n’empêche que le syndicat adopte un règlement en vue de prévoir les frais raisonnables rattachés à une telle demande. Ce règlement pourrait être adopté par le conseil d’administration en tant que règlement de gestion, mais dans ce cas, il faudra qu’il soit ratifié par l’assemblée des copropriétaires à la prochaine assemblée générale pour continuer de demeurer en vigueur. Dans le cas contraire, le règlement de gestion deviendra nul.
L’ARTICLE 1068.1 C.C.Q.
Tel que mentionné plus tôt, l’article 1068.1 C.c.Q. n’est pas encore en vigueur et n’est pas encore applicable. Il le sera lorsque le premier règlement aura été édicté par le législateur.
Cet article se lit comme suit :
« Celui qui vend une fraction doit, en temps utile, remettre au promettant acheteur une attestation du syndicat sur l’état de la copropriété, dont la forme et le contenu sont déterminés par règlement du gouvernement.
À cette fin, le syndicat remet dans un délai de 15 jours l’attestation au copropriétaire qui en fait la demande.
Ces obligations existent à compter de la nomination d’un nouveau conseil d’administration, après la perte de contrôle sur le syndicat. » (les soulignés sont les nôtres)
Notons tout d’abord que la forme et le contenu de l’attestation du syndicat seront déterminés par le règlement qui sera éventuellement adopté.
Notons également que contrairement à ce que nous venons de voir avec l’article 1068.2 C.c.Q., ici c’est le vendeur qui doit remettre un document à son promettant-acheteur. Le législateur est donc venu imposer au copropriétaire l’obligation de remettre à son promettant-acheteur un document dont il n’est pas l’auteur, un document qui émane d’un tiers, le syndicat.
Le syndicat sera tenu de fournir une telle attestation sur l’état de la copropriété à tout copropriétaire qui en fera la demande. Il disposera d’un délai de 15 jours pour ce faire.
L’article 1068.2 C.c.Q., dans sa forme actuelle, laisse sous-entendre qu’une renonciation à recevoir une telle attestation pourrait être possible, alors que dans le premier projet de loi, en 2018, il avait été discuté d’impossibilité de pouvoir renoncer à recevoir l’attestation.
Ceci soulève certaines interrogations puisqu’advenant que le copropriétaire puisse renoncer à la recevoir, quelles pourraient être les conséquences? Notamment, qu’en serait-il d’un éventuel recours basé sur la garantie de qualité du bien (vices cachés)? On peut aussi se questionner sur les conséquences pour le syndicat advenant qu’il fasse défaut de remettre l’attestation ou s’il la remettait tardivement.
Nous aurons certainement une meilleure idée des conséquences potentielles une fois que nous connaitrons la portée et l’ampleur du contenu obligatoire de l’attestation. Cela permettra également aux syndicats de pouvoir déterminer l’étendue de la divulgation. Jusqu’où devront-ils aller dans la communication d’informations? Ce sera intéressant de suivre les développements jurisprudentiels de cette disposition une fois qu’elle sera entrée en vigueur.
Mais une chose est sûre : l’article 1068.2 C.c.Q. va bien au-delà des exigences de l’article 1069 C.c.Q. en matière d’informations financières1.
À notre avis, le syndicat devrait déclarer dans cette attestation tout facteur dont il a connaissance, se rapportant à l’immeuble ou à la copropriété, et qui serait susceptible d’en affecter la valeur, d’en diminuer son utilité, ou d’en accroitre les dépenses à venir. Il devrait également traiter des rapports d’expertise, s’il en existe, et notamment des travaux de réfection ou des travaux correctifs qui pourraient avoir été recommandés à plus ou moins long terme par les différents experts du syndicat, du caractère sécuritaire ou pas des façades (rapports émis en vertu de la Loi 122) etc.
Vu les difficultés que vivent plusieurs copropriétés dans le marché de l’assurance actuel, et plus particulièrement depuis l’entrée en vigueur de l’article 1074.2 C.c.Q., cette attestation devrait également à notre avis porter sur l’assurabilité du syndicat, sur le type de couverture d’assurance souscrit, sur les exclusions prévues au contrat d’assurance, sur le montant des franchises et le montant accumulé dans le fonds d’auto-assurance, sur l’historique des sinistres de la copropriété.
On peut se demander si le syndicat devrait inclure dans l’attestation les points saillants de la déclaration de copropriété, par exemple le droit ou non d’avoir des animaux, le droit de louer son unité, la durée minimale de location, le nombre d’unités en location, les restrictions en matière de bruit et d’insonorisation, l’interdiction de barbecues et les clauses pénales, pour ne nommer que celles-là.
À ce sujet, nous sommes d’opinion que le syndicat serait bien fondé de plutôt référer directement à la déclaration de copropriété. Il s’agit d’un acte officiel publié dont le contenu est opposable à toute personne et dont elle est présumée avoir connaissance2. À défaut, il pourrait y avoir ouverture à tenter d’éventuellement tenir le syndicat responsable d’un oubli dans les mentions inscrites dans l’attestation, mettant éventuellement en jeu la responsabilité du syndicat et/ou celle de son conseil d’administration. Jouons de prudence et référons plutôt le promettant-acheteur à des documents qu’il devra lire et interpréter lui-même, à l’aide de ses professionnels. Naturellement, le règlement à venir nous fournira des indications quant au contenu et, espérons-le, quant aux balises de celui-ci.
Une chose est sûre : avec les articles 1068.1, 1068.2, 1069 C.c.Q. et le droit que possède déjà tout promettant-acheteur d’obtenir les procès-verbaux du conseil d’administration et de l’assemblée générale des copropriétaires, ce qui lui permet notamment d’apprécier la qualité des relations de voisinage dans la copropriété, les principaux différends qui pourraient exister, la capacité du conseil d’administration de bien administrer l’immeuble selon ses prévisions annuelles pour ne nommer que ceux-là, avec l’analyse des états financiers, budgets, bilans et autres documents du registre, nul doute que les acquéreurs auront en main tous les outils et informations utiles pour prendre une décision éclairée, en toute connaissance de cause.
Le dernier alinéa de l’article 1068.2 C.c.Q. prévoit que la période de l’administration provisoire sera exemptée de cette obligation. Le promoteur n’y serait donc pas assujetti.
Essentiellement, ceci a pour effet de créer 2 périodes transactionnelles différentes :
a) celle pendant l’administration provisoire, période durant laquelle le promoteur n’est pas obligé de remettre d’attestation sur l’état de la copropriété;
b) celle à compter de l’élection du nouveau conseil d’administration, lequel se voit assujetti à cette obligation alors que pendant les premières semaines il doit se familiariser avec l’immeuble, les équipements, l’inspection, les dossiers etc.).
On peut se questionner sur le choix qu’a fait le législateur d’exempter le promoteur de cette obligation alors que celui-ci connait ou devrait bien connaitre l’état de la copropriété, mais d’avoir assujetti le nouveau conseil d’administration à cette obligation, conseil d’administration qui, au lendemain de son élection, n’en a pas la moindre idée?
Ceci est d’autant plus questionnable si l’on tient compte que le nouvel article 1106.1 C.c.Q. consent au promoteur un délai de 30 jours à compter de l’assemblée extraordinaire pour fournir au syndicat [lire : au nouveau conseil d’administration élu] les plans et devis relatifs à l’immeuble, les certificats de localisation, la description des parties privatives etc.
L’obligation faite au nouveau conseil d’administration élu lors de l’assemblée extraordinaire de transition nous apparait potentiellement hasardeuse, surtout dans les premières semaines du mandat. Il faudra donc redoubler de prudence dans les déclarations qui seront faites pendant cette période et ne pas hésiter à recourir aux services du conseiller juridique du syndicat afin de valider le contenu de l’attestation avant sa remise. Et à ce sujet également, les développements jurisprudentiels sauront certainement nous éclairer une fois que la disposition sera entrée en vigueur.
Sur ce, chers lecteurs, chères lectrices, il ne me reste qu’à vous souhaiter un très bel été. Prenez le temps de profiter au maximum de cette liberté que nous retrouvons graduellement collectivement et d’apprécier chaque moment de cette belle saison, le tout dans le respect des recommandations sanitaires applicables à votre région. On se retrouve en santé et déconfinés à l’automne!
1 État des charges dues, montant accumulé dans le fonds de prévoyance etc.
2 Articles 1062, 2941, 2943 C.c.Q.
Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.
Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée spécialisée copropriété (IMAQ et UdeS)
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