L’ACCÈS À LA JUSTICE… ET AUTRES BONNES NOUVELLES
Revue CopropriétéPLUS, Hiver 2022
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photo de l'auteur Me Stefania Chianetta

  

Chers lecteurs,

Avouons-le, l’évolution de la situation sanitaire et les nouvelles des derniers jours ne sont pas très réjouissantes. Le variant Omicron se propage à une vitesse fulgurante, gagnant du terrain chaque jour, ébranlant une fois de plus notre quotidien et mettant à rude épreuve non seulement notre réseau de la santé mais également nos nerfs et surtout notre patience.

Étant d’une nature positive, je ne vais surtout pas me laisser abattre…j’ai donc choisi de vous présenter une chronique de bonnes nouvelles!

C’est pourquoi au cours des prochaines lignes, je vous entretiendrai brièvement de solutions : solution des litiges, résolution des différends et règlement des conflits auxquels, tôt ou tard, toute copropriété est confrontée.

J’ai dit brièvement, car le présent article n’est qu’un amuse-gueule, histoire de vous mettre l’eau à la bouche et de dresser la table pour les projets qui verront le jour au cours des prochains mois.

Mais avant d’entamer ce délicieux repas ensemble, j’ai deux autres bonnes nouvelles de dernière minute à vous communiquer.

1.    Les assemblées générales et les réunions du conseil d’administration en mode virtuel ou hybride sont dorénavant définitivement permises

En effet, le 9 décembre dernier, est entré en vigueur le Projet de Loi no. 103 qui, pour ce qui est de la copropriété, prévoit que les assemblées générales des copropriétaires et les réunions du conseil d’administration du syndicat en mode virtuel ou hybride sont dorénavant définitivement autorisées.

C’est donc dire qu’indépendamment du maintien ou non de l’état d’urgence décrété en 2020, les syndicats de copropriété pourront tenir leurs assemblées selon l’un ou l’autre de ces modes.

C’est un gros pas en avant qui vient de se réaliser pour la copropriété québécoise et c’est une excellente nouvelle! Tous les syndicats ont pu constater les très nombreux avantages à procéder de cette façon depuis le début de la pandémie, que ce soit par le nombre accru de copropriétaires présents aux assemblées, par la durée des assemblées, par la facilité de voter et de calculer les résultats des votes, tout comme pour le calcul du quorum en temps réel d’ailleurs, par la facilité de la connexion, la fluidité de la prise de parole par les copropriétaires et les intervenants, pour ne nommer que ceux-là.

2.    Une modification de plus à l’article 1074.2 du Code civil du Québec?

Tout porte à croire que l’article 1074.2 du Code civil du Québec concernant la réclamation, par le syndicat, du montant de la franchise d’assurance ou du coût des travaux de remise en état des parties privatives et communes à la suite d’un sinistre, verra sa 3ème version naître en 2022.

Cet article, entré en vigueur en décembre 2018 et modifié à deux reprises en deux ans, fait toujours couler beaucoup d’encre et crée beaucoup de frustration, et même de colère, dans les copropriétés et parmi les copropriétaires.

Or, lors de la tenue de la Commission parlementaire traitant de l’étude détaillée du Projet de loi no. 5, la porte-parole de l’opposition officielle en matière d’habitation, la députée Marie-Claude Nichols, a discuté avec le ministre des Finances, Éric Girard, sur la nécessité d’amender de nouveau cet article. Le nœud du problème : l’interprétation et le refus de certains assureurs qui, lorsqu’un sinistre provenant d’une unité survient (et qui endommage des parties privatives et communes) refusent de rembourser la franchise d’assurance du syndicat.

Vous vous souviendrez qu’en 2020, le projet de loi no 41 avait comme but de corriger cette situation. Manifestement, l’amendement n’a pas eu l’effet escompté et le débat s’est de nouveau retrouvé à l’Assemblée nationale.

En réponse à la députée Madame Nichols, le ministre des Finances a reconnu l’existence de la problématique et le fait que les amendements apportés à ce jour ne l’ont pas corrigée : « Bref, nous n’excluons pas la nécessité de faire d’autres changements. En fait, je pense qu’on admet qu’on devra le faire […]. ».

J’étais et demeure d’avis qu’une modification de cet article s’impose afin de mettre un terme à la situation que vivent les copropriétés québécoises depuis décembre 2018 suite au refus généralisé des assureurs en responsabilité civile des copropriétaires de reconnaître et d’appliquer les clauses de responsabilité qui se trouvent dans la très vaste majorité des déclarations de copropriété.

Mention particulière à l’AQGC [1] pour avoir mis sur pied une pétition au sujet de cet article et pour avoir porté le flambeau de celle-ci jusqu’à ce jour [2]. Au moment de rédiger le présent texte, pas moins de 6 300 copropriétaires l’avaient signée. Il ne nous reste qu’à espérer que la prochaine mouture de 1074.2 C.c.Q. soit enfin la bonne.

Parlons maintenant de conflits, de litiges…. et d’accès à la justice

Je ne surprendrai personne en affirmant que l’accès à la justice devient de plus en plus compliqué et de moins en moins abordable pour une grande partie de la population. Les augmentations fusent de partout : épicerie, essence, électricité, loyer et j’en passe. Partout sauf dans les salaires. Pourtant, ce sont tous des besoins essentiels.

Un jour ou l’autre, nous sommes tous confrontés à un conflit, à un différend qui, s’il dégénère, risque de se transformer en procédures judiciaires. Ce jour-là, les dépenses et les délais débuteront et s’accumuleront, et ils ne prendront fin qu’au moment de la réception d’une décision finale, et encore puisqu’un appel est toujours possible.

En général, l’être humain n’est pas préparé au processus judiciaire et à ses conséquences. De façon générale, les individus minimisent l’impact émotionnel et psychologique des procédures judiciaires. Outre ses coûts, l’investissement en temps et en énergie dépasse souvent largement, même très largement, ce qu’une personne raisonnable avait estimé. Et c’est sans compter la durée des procédures. Il n’est pas rare de devoir attendre 3, 4 voire 5 ans après le début du processus judiciaire, avant d’obtenir une décision finale du tribunal.

Et puis il faut se le dire, rares sont les personnes qui mettent des fonds de côté au cas où ils devraient éventuellement payer un avocat pour se défendre. Or, plus la situation perdure, plus les positions respectives des parties se campent et se cristallisent. Plus les positions se campent, plus le débat sera long et plus les coûts seront élevés.

Et la situation de pandémie que nous vivons depuis mars 2020 n’est rien pour aider. Si le système de justice québécois s’est modernisé en un temps record, il n’en reste pas moins que le nombre de dossiers judiciarisés dépasse largement les capacités du système. Et je ne vous parle même pas du manque de ressources, de l’insuffisance de la main d’œuvre de soutien pourtant si essentielle.

Dépeint de cette façon le portrait semble plutôt sombre. Et c’est un fait. Mais qu’à cela ne tienne : les copropriétés québécoises ont de la chance, beaucoup de chance, puisque la vaste majorité des notaires chevronnés spécialisés en droit de la copropriété incluent dans les déclarations de copropriété qu’ils rédigent une clause que l’on appelle communément « clause compromissoire » soit une clause qui prévoit d’avance le processus à suivre en cas de différend ou de conflit qui découle de l’application ou de l’interprétation de la déclaration de copropriété.

Une clause compromissoire prévoira habituellement le recours à la médiation pour tout différend né ou à naître et découlant de l’interprétation ou de l’application de la déclaration de copropriété et, en cas d’échec de celle-ci[3], le recours à l’arbitrage.

On retrouve habituellement ce genre de clauses à la fin de la partie « Acte constitutif » de la déclaration de copropriété. Certaines déclarations de copropriété ne contiennent pas de clause compromissoire mais uniquement une clause de médiation obligatoire et/ou une clause d’arbitrage obligatoire.

Mais advenant même que votre déclaration de copropriété soit muette au sujet de ces modes de règlements des différends, les parties peuvent à tout moment convenir ensemble de soumettre leur conflit né ou à naître à la médiation et/ou à l’arbitrage. Elles peuvent en tout temps s’entendre sur le choix du médiateur [4] qui les assistera ou de l’arbitre qui les entendra ou, à défaut, prévoir le processus de nomination de ces professionnels.

En bref….

Depuis le 1er janvier 2016, la loi oblige toute personne à considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement des différends (PRD) comme la médiation, l’arbitrage ou la négociation avant de s’adresser aux tribunaux.

Les modes privés de prévention et de règlement des différends comme la médiation et l’arbitrage sont des moyens conviviaux, accessibles et très rapides. Et qui dit rapidité dit également moins onéreux.

La médiation est une forme de résolution de conflits qui requiert la présence d’un médiateur neutre et impartial choisi par les parties. Le médiateur ne possède pas de pouvoir décisionnel ou de contrainte : son rôle est de permettre aux parties de s’exprimer en évitant que les échanges dégénèrent, de permettre aux parties d’identifier leurs intérêts et de les aider à trouver des solutions ou des compromis acceptables adaptés à la situation qu’elles vivent.

Le médiateur s’efforce de maintenir le fragile équilibre entre les parties et son intervention a pour but de permettre aux parties d’en arriver à une entente raisonnable, à leur solution. La médiation est un processus qui redonne aux parties leur pouvoir de régler le conflit. C’est leur solution, leur entente. Le médiateur n’est pas responsable du règlement mais uniquement du processus.

L’arbitrage ressemble davantage au processus judiciaire traditionnel puisque l’arbitre choisi par les parties (ou nommé par le tribunal en cas d’impossibilité de s’entendre) devra rendre une décision que les parties devront respecter. L’arbitrage se distingue toutefois du processus judiciaire traditionnel par sa confidentialité, par sa nature et caractère privés, par un formalisme moindre et par la possibilité, pour les parties, de choisir ensemble un arbitre dont elles reconnaissent les compétences, les connaissances et les qualités personnelles et professionnelles, ce qui constitue un gage de réussite majeur.

Que ce soit pour la médiation ou pour l’arbitrage, contrairement à une audition devant le tribunal, les parties n’auront pas à se soumettre aux inévitables délais liés au processus judiciaire, puisque ce sont elles qui établiront, avec le médiateur ou l’arbitre, le rythme des rencontres et les échéances du processus entamé. Les parties contrôlent donc le rythme, les échéances et conséquemment les coûts.

Une médiation ou un arbitrage peut très bien se tenir dans un délai aussi court que quelques semaines, voire quelques jours en cas d’urgence.

Une médiation ou un arbitrage peut se tenir partout au Québec. De plus, depuis avril 2020 il est possible, et souvent plus facile et beaucoup moins onéreux, de procéder à une médiation ou un arbitrage à distance, par l’entremise de plateformes de visioconférence sécurisées et confidentielles. Cela évite les déplacements, notamment ceux des témoins, et réduit encore plus les coûts.

La médiation et l’arbitrage peuvent résoudre toutes les sortes de conflits usuels que l’on rencontre en copropriété, notamment:

·         Travaux dans un condo

·         Problèmes de nuisances (animaux, fumée, consommation etc.)

·         Utilisation non autorisée des parties communes

·         Interprétation de la déclaration de copropriété

·         Utilisation des parties privatives

·         Recouvrement de sommes dues

·         Location d’unités

·         Diffamation, harcèlement

·         Défaut de respecter la déclaration de copropriété ou la loi

·         Comportement d’un (des) administrateur(s)

·         Etc.

Quelques comparaisons :

Processus judiciaire traditionnel

Médiation

Arbitrage

Délais importants : entre 2 et 4 généralement depuis l’institution de procédures [5]

Très rapide : quelques mois, voire quelques semaines, pour arriver à une entente

Très rapide : quelques mois, voire quelques semaines, pour avoir une décision finale

Coûts importants

En règle générale chaque partie paie les honoraires de son avocat (honoraires extra-judiciaires) et la partie perdante assume les frais judiciaires de la partie adverse

Les honoraires du médiateur sont partagés entre les parties

Les parties sont libres d’être assistées par un avocat ou non

En principe, les frais d’arbitrage sont assumés à parts égales par les parties.

L’arbitre peut déroger à cette règle et décider d’une autre répartition d’assumation des frais d’arbitrage

Coûts sont réduits car le dossier d’arbitrage sera entièrement réglé à l’intérieur de quelques mois, voire quelques semaines.

Processus public

Processus confidentiel

Processus confidentiel

Processus encadré, structuré

Processus encadré, structuré

Processus encadré, structuré

Le litige est tranché par un juge

Le médiateur n’a pas de pouvoir décisionnel ou contraignant

Les parties trouvent la solution, leur solution

L’arbitre tranche le litige

Possibilité d’accorder le droit à l’arbitre d’agir comme amiable compositeur, c’est-à-dire de rendre une décision basée sur l’équité

Décision est publique

Entente est confidentielle

Décision confidentielle

Droit d’appel de toute décision finale

Conclusion d’une entente partielle ou totale entre les parties

Décision finale et sans appel

Exécutoire

Possibilité de faire homologuer l’entente de médiation afin qu’elle devienne exécutoire (comme un jugement)

Exécutoire entre les parties.

Possibilité de faire homologuer la décision arbitrale afin qu’elle équivaille à un jugement de la Cour et qu’elle puisse être exécutée

Processus axé sur le droit et sur la preuve

Satisfaction des besoins et des motivations personnels

Les parties peuvent trouver une entente en dehors de la solution juridique

Processus axé sur la preuve et le droit, mais les parties peuvent décider de déroger aux règles du Code de procédure civile du Québec

Les parties sont limitées à leur témoignage

Les parties participent au processus, à la négociation et à leur entente

Les parties participent à l’arbitrage et peuvent demander à l’arbitre de trancher en équité

Pas de contrôle des parties sur le résultat

Les parties contrôlent leur résultat

Les parties possèdent un certain contrôle sur le processus et les délais

Cadre très formel

Cadre informel

Cadre beaucoup moins formel que les tribunaux judiciaires, souplesse possible dans l’application des règles de procédure (au choix des parties)

Émotivement éprouvant, stressant et anxiogène car peut être préjudiciable pour une des parties

Sans préjudice et beaucoup moins stressant

Beaucoup moins stressant et émotif pour les parties vu le cadre plus souple dans lequel se déroule l’arbitrage

Atmosphère plus détendue généralement appréciée par les parties

Place au droit

Place aux perceptions, au droit, à la satisfaction des besoins et des motivations des parties

Place au droit

Place à l’équité si les parties y consentent

Il y a un gagnant et un perdant

Il y a deux gagnants

Il y a un gagnant et un perdant mais dans un contexte moins intimidant et plus inclusif pour les parties

 

Parce qu’ils sont persuadés que la médiation et l’arbitrage ont plus que jamais leur place en copropriété et que les relations personnelles dans une copropriété doivent être préservées indépendamment du conflit qui oppose les individus, les arbitres et/ou médiateurs accrédités spécialisés en copropriété travaillent depuis plusieurs mois à mettre sur pied et à vous présenter des projets novateurs, accrocheurs et porteurs, pour que tous les administrateurs et les copropriétaires du Québec puissent accéder avec facilité, souplesse et à moindre coût à la justice. Ces projets verront le jour sous peu.

Je vous invite donc à continuer de me suivre : 2022 sera porteuse de belles et bonnes nouvelles!

Sur ce chers lecteurs, il ne me reste qu’à vous souhaiter de passer de très Joyeuses Fêtes. Je nous souhaite, individuellement et collectivement, de regarder en avant et de rester positifs.

À tous et toutes : bonheur, amour, succès et surtout…une santé infaillible!


[1] Association Québécoise des Gestionnaires de copropriété

[2] Pour lire le texte de la pétition et/ou pour la signer et donner votre appui : https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-9335/index.html

[3] Ou de renonciation conjointe par les parties de se prévaloir de la médiation

[4] Nous utiliserons la forme masculine uniquement afin d’alléger le texte.

[5] Dépendamment de l’ampleur du dossier, du nombre de parties, du nombre de questions en litige etc.


Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.

Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée spécialisée copropriété (IMAQ et UdeS)
Présidente de la table sectorielle « Copropriété » de l'IMAQ
(Institut de médiation et d'arbitrage du Québec)
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