Dur, dur, la lecture de la déclaration de copropriété... mais combien utile!
Revue CopropriétéPLUS, Printemps 2014
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photo de l'auteur Me Stefania Chianetta

 

Le couple Lajoie (nom fictif) vient de trouver le condo de leurs rêves. Tout leur plaît, que ce soit par rapport à l'emplacement de l'immeuble abritant la copropriété, aux divisions intérieures de l'unité qu'ils envisagent d'acquérir, au coût de celle-ci, etc. Ils sont emballés et décident, après réflexion, de signer la promesse d'achat qu'on leur tend. Puis vient le jour de la signature de l'Acte d'achat chez le notaire instrumentant qui leur transmet, joint à la copie de l'Acte, un épais document intitulé « Déclaration de copropriété ».

Ils en prennent livraison avec les explications fournies par le notaire, mais sans le lire en détail. Ce document les intimide, en quelque sorte, vu sa longueur et il leur semble assez complexe au premier coup d'oeil. Puis, de retour à la maison, ils sont occupés par les préparatifs matériels du déménagement et de l'installation dans leur nouveau nid. Ils rangent donc la Déclaration de copropriété et celle-ci est reléguée aux oubliettes.

Qu'en est-il au juste de cette fameuse Déclaration de copropriété? Sans vouloir en faire un tour d'horizon exhaustif, il est utile de s'attarder à certaines de ses caractéristiques majeures. On peut, d'entrée de jeu, apprendre par la lecture de certaines dispositions du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q.) que c'est la publication de cette déclaration qui fait en sorte:

(1) que la copropriété de l'immeuble est établie (article 1038 C.c.Q.); et

(2) que la collectivité des copropriétaires devient une personne morale, « nommée syndicat des copropriétaires » (art. 1039 C.c.Q.)

Ainsi, même un bref coup d'Moeil permet de constater l'importance de ce document. Une pleine section du C.C.Q., au chapître de la copropriété divise, y est d'ailleurs consacrée. Cette section est composée des articles 1038 à 1109 C.c.Q.

Si l'on s'arrête sommairement au contenu de la Déclaration de copropriété, on constate qu'elle comprend, tel que l'édicte l'article 1052 C.c.Q:

• l'acte constitutif de copropriété;
• le règlement de l'immeuble;
• l'état descriptif des fractions.

L'étendue de ce que peut contenir l'acte constitutif de copropriété est très vaste, et le texte de l'article 1053 C.c.Q. ne permet pas de la circonscrire outre mesure. Parexemple, selon cet article, l'acte constitutif définit la destination de l'immeuble, de ses parties privatives et de ses parties communes. On y apprend aussi qu'en plus de déterminer la valeur relative de chaque fraction, la quote-part des charges ainsi que le nombre de voix rattachées à chaque fraction, l'acte constitutif peut contenir « toute autre convention relative à l'mmeuble ou à ses parties privatives ou communes ». Enfin, il précise aussi les pouvoirs et devoirs du conseil d'administration du syndicat et de l'assemblée des copropriétaires.

Quant au règlement de l'immeuble, l'article l054 C.c.Q., premier alinéa, prévoit qu'il contient « les règles relatives à la jouissance, à l'usage et à l'entretien des parties privatives et communes, ainsi que celles relatives au fonctionnement et à l'administration de la copropriété ».

Autant dans le cas de l'acte constitutif que dans celui du règlement d'immeuble, leur contenu respectif est formulé en termes si larges que la diversité potentielle de ce contenu nous semble évidente.Partant, on ne peut assurément pas connaître d'avance les dispositions particulières de chaque déclaration de copropriété sans l'avoir lue.

Une lecture attentive de la Déclaration de copropriété s'avère par conséquent une avenue incontournable pour le futur copropriétaire. Elle permettra d'éviter toute mauvaise surprise par la suite.

Vu ce qui précède, on ne peut pas s'étonner de l'ampleur qu'est susceptible de prendre la Déclaration de copropriété, laquelle peut décourager de sa lecture même les acheteurs les plus motivés.

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Toutefois, malgré cela, l'importance pour chaque copropriétaire de prendre connaissance de sa déclaration de copropriété, et ce, préférablement avant de signer tout document qui l'engage, nous apparaît indéniable. En effet, les dispositions qu'elle contient régissent non seulement les relations entre les copropriétaires, mais aussi celles entre eux et le syndicat de copropriété, leurs droits et obligations respectifs.

 

... Et si je me présentais comme administrateur?...

Connaître les grandes lignes de la Déclaration de copropriété est d'autant plus important pour un copropriétaire qui désire être élu au conseil d'administration du syndicat de copropriété. Celui-ci a en effet le devoir de se conformer aux dispositions de la Déclaration de copropriété, et il a le devoir de les faire respecter par l'ensemble des copropriétaires.

Si le conseil d'administration du syndicat envisage de prendre une décision, et que les clauses applicables à celles-ci lui semblent nébuleuses, il s'avérerait prudent de consulter un expert dans le domaine avant d'agir, afin de prévenir toute complication. En matière de copropriété comme en toute chose, la prévention vaut mieux que le meilleur des remèdes, et peut vous éviter bien des soucis et des tracas, et souvent beaucoup d'argent.

Un exemple de importance du contenu de la Déclaration de copropriété vient de nous être fourni dans un arrêt récent de la Cour d'appel du Québec1. La Cour devait déterminer si, selon la loi, les copropriétaires qui jouissent d'un droit d'usage exclusif sur des parties communes à usage restreint (ci-après « PCUR ») doivent contribuer seuls au fonds de prévoyance en vue des réparations majeures de ces PCUR et de leur remplacement. Par exemple, si la moitié des copropriétaires d'un condominium dispose d'un droit d'usage restreint des casiers de rangement, parties communes, et que ces casiers doivent être remplacés, qui paiera? La totalité des copropriétaires, ou seule la moitié auxquels un droit d'usage restreint aura été attribué? La question se pose dans l'optique où bien que les PCUR ne soient utilisées que par certains, elles appartiennent à tous2.

Pour répondre à cette question, la juge Dutil, dans ses motifs auxquels ont souscrit les juges Chamberland et Hilton, a commencé par interpréter les articles 1064, 1071 et 1072 C.c.Q., que nous reproduisons ici en soulignant les parties les plus importantes pour le présent bulletin:

1064. Chacun des copropriétaires contribue, en proportion de la valeur relative de sa fraction, aux charges résultant de la copropriété et de l'exploitation de l'immeuble, ainsi qu'au fonds de prévoyance constitué en application de l'article  1071. Toutefois, les copropriétaires qui utilisent les parties communes à usage restreint contribuent seuls aux charges qui en résultent.

 1071. Le syndicat constitue, en fonction du coût estimatif des réparations majeures et du coût de remplacement des parties communes, un fonds de prévoyance, liquide et disponible à court terme, affecté uniquement ô ces réparations et remplacements. Ce fonds est la propriété du syndicat.

 1072. Annuellement, le conseil d'administration fixe, après consultation de l'assemblée des copropriétaires, la contribution de ceux-ci aux charges communes, après avoir déterminé les sommes nécessaires pour faire face aux charges découlant de la copropriété et de l'exploitation de l'immeuble et les sommes ô verser au fonds de prévoyance.

 La contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance est d'au moins 5p. 100 de leur contribution aux charges communes. Il peut être tenu compte, pour l'établir, des droits respectifs des copropriétaires sur les parties communes à usage restreint.

 Le syndicat avise, sans délai, chaque copropriétaire du montant de ses contributions et de la date où elles sont exigibles.

La juge Dutil se dit d'avis qu'en vertu du Code civil du Québec, les copropriétaires qui bénéficient de PCUR doivent en assumer seuls les dépenses d'entretien et les coûts des réparations mineures. Ces dépenses se rattachent à l'utilisation qu'ils en font. Cependant, c'est l'ensemble des copropriétaires qui doit assumer les coûts des réparations majeures de ces PCUR et de leur remplacement. Tous les copropriétaires doivent donc verser une cotisation au fonds de prévoyance pour ces parties. La raison en est, selon la juge Dutil, que ces coûts se rattachent non pas à l'utilisation d'une PCUR, mais à la propriété de celle-ci.

Doit-on en comprendre qu'il n'est pas question, pour un syndicat de copropriété, de cotiser spécialement les copropriétaires bénéficiaires de PCUR pour les obliger à défrayer les réparations majeures et le remplacement de celles-ci? Pas exactement.

La Cour a en effet suggéré qu'en vertu de la dernière phrase du second alinéa de l'article 1072 C.c.Q., soulignée ci-haut, la déclaration de copropriété pourrait prévoir une telle répartition des cotisations.

Si la règle générale légale ne permet donc pas une cotisation spéciale au fonds de prévoyance des copropriétaires qui bénéficient de PCUR, rien n'empêche qu'une règle particulière du contrat ne l'autorise.

Dans le cas qui lui a été soumis, la Déclaration de copropriété était muette sur la question. La juge Dutil a conclu qu'il était impossible d'établir une contribution spéciale au fonds de prévoyance, laquelle s'adresserait aux utilisateurs des PCUR.

Cependant, plusieurs déclarations de copropriété incluent effectivement une clause qui permet l'imposition d'une contribution spéciale aux fonds de prévoyance à tous les copropriétaires qui bénéficient de PCUR. Nous vous en fournissons un exemple:

 

Contribution aux charges résultant des parties communes à usage restreint

Conformément à l'article 1064 du Code civil du Québec, les utilisateurs bénéficiaires des parties communes à usage restreint contribueront seuls, sauf exceptions stipulée aux présentes, à l'exclusion les uns des autres, aux frais de la propreté, l'entretien, la réparation et le remplacement total ou partiel des parties communes à usage restreint dont ils ont respectivement la jouissance exclusive. Conformément à l'article 1072 du Code civil du Québec, les copropriétaires pourront établir une contribution spéciale au fonds de prévoyance qui tienne compte de leurs droits respectifs sur les parties communes à usage restreint. [...] (nos soulignements)

Ces clauses doivent, à la lumière du raisonnement de la Cour d'appel, être considérées comme valides et parfaitement légales. La présence d'une telle clause est néanmoins susceptible d'influencer considérablement l'ampleur des charges qui peuvent être demandées aux copropriétaires qui bénéficient des PCUR.

Comment se feront les calculs de la contribution spéciale en pratique? Cela reste à être déterminé. Par exemple, l'application de cette clause lorsqu'elle vise l'usage exclusif de balcons communs semble plutôt simple. Qu'en est-il, par contre, du cas où un copropriétaire s'est vu octroyer l'usage exclusif du toit pour y installer sa terrasse? La solution dans une telle situation est déjà beaucoup moins évidente. Un fait sur lequel tous devraient néanmoins s'entendre, c'est que cette contribution spéciale est susceptible de constituer, selon le cas, une somme plutôt rondelette.

Cet arrêt illustre donc très bien l'importance de bien lire sa Déclaration de copropriété pour prendre connaissance de son contenu particulier, et ce, autant pour un copropriétaire que pour un administrateur.

Nous en profitons pour rappeler qu'en tout temps, la Déclaration de copropriété peut être modifiée par une décision de l'assemblée des copropriétaires, à condition de respecter les majorités prévues par le Code civil du Québec pour chaque décision, et que le Syndicat ou le copropriétaire qui voudrait faire déclarer nulle une ou plusieurs dispositions de la Déclaration de copropriété bénéficie généralement, sous réserve de certaines exceptions, d'une période ne pouvant excéder trois ans de la date de sa publication pour s'adresser au tribunal.


1 Gestion Almaca inc. c. Syndicat des copropriétaires du 460 St-Jean, 2074 QCCA 105.
2 Article 1043 c.c.o.


Ce texte est publié à titre informationnel uniquement et ne constitue pas un avis juridique.

Me Stefania Chianetta, avocate, arbitre et médiatrice accréditée (IMAQ)
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